France : La politique de déradicalisation ne marche pas

La prise en charge de la déradicalisation en France est un échec et les pouvoirs publics doivent changer de concept, estime une mission d’information du Sénat.

La sénatrice écologiste Esther Benbassa et sa collègue LR Catherine Troendlé rapportent un bilan déplorable de la politique de désendoctrinement, désembrigadement et réinsertion des djihadistes en Europe.

Les sénatrices qualifient notamment le centre de Pontourny (37) de fiasco. L’établissement de 25 places n'a pris en charge que 9 djihadistes et il est actuellement vide… 6 mois après son ouverture, il n'y a aucun résultat concluants, dénoncent-elles. Les unités dédiées aux détenus radicalisés sont également mises en cause.

D’ailleurs, la Chancellerie a depuis mis en place un dispositif pour une meilleure évaluation du degré de dangerosité avec isolement des prisonniers les plus violents.

Pour le sociologue Farhad Khosrokhavar, directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS) et spécialiste des phénomènes de radicalisation interviewé par France 24, cette conclusion est trop hâtive.

La France, pays d’Europe occidentale avec le nombre de ressortissants partis en Syrie ou en Irak  le plus élevé : entre 1 200 à 1 500, est également l’Etat qui tardé le plus a adopter un programme de déradicalisation, en octobre-novembre 2014.

En Angleterre, où moitié moins de jeunes sont partis, des actions spécifiques ont été mises en place dès 2006-2007. Avec 10 ans de recul, le sentiment d’échec est pourtant partagé…

Si le résultat en France n’est pas tout à fait probant, ce n’est pas non plus un échec total. Le bilan doit être plus nuancé… La mission nationale de déradicalisation a été confiée à une seule association. Or, Dounia Bouzar, la responsable, partait du principe que les jeunes radicalisés subissaient une emprise sectaire. Cette une approche peut se justifier avec pour les adolescents mais les adultes montrent une forte adhésion à la dimension religieuse. Face à cela, il faut être capable de déployer des arguments.

En France, l’attachement à la laïcité implique la relégation du religieux à la sphère privée : le gouvernement ne doit pas s’en occuper ! Cette croyance a constitué un frein pour agir contre la radicalisation. Manuel Valls a été le premier prendre des initiatives nationales, à l’automne 2014. De sa propre initiative, la prison de Fresnes avait aussi commencé à séparer les détenus radicalisés mais cela fait seulement 2 ans et demi que des tentatives ont été entreprises… L’impatience est grande mais il faut accepter de tâtonner…

A Pontourny, cela ne marche pas, notamment parce que les conditions d’admission sont trop restrictives. Après, le traumatisme énorme généré par les attentats, la France a choisi la voie répressive. Ceux qui n’ont jamais été impliqués dans des actions violentes, ni partis en Syrie ne sont jamais intégrés dans ces centres. Il faudrait étendre l’admission, avec des contraintes graduées, à des volontaires qui se sentent radicalisés dans leur subjectivité.

Au Danemark, lorsque des jeunes reviennent de Syrie mais sans preuves de leur implication dans des actions violentes, d’autres moyens que la seule coercition sont essayés. Les jeunes doivent être suivis sur au moins 2 ans ou plus.

La dimension religieuse ne doit pas être oubliée. L’implication d’imams qui mènent des débats théologiques avec ces jeunes adultes est une très bonne chose. Or, en France, où religieux relève privé, on a du mal à l’envisager… La prise en charge doit être plurielle avec des psychologues, des gens des RG… Des centaines de jeunes de 16 à 25 ans vont encore arriver de Syrie et d’Irak. Il faut forcément agir ! Les dispositifs doivent les faire réfléchir sur leurs trajectoires.

Pour les endurcis, 10 à 15 % des radicalisés, c’est impossible. Ces profils très dangereux doivent être neutralisé légalement.