Les sanglants attentats de Paris en 2015 auraient-ils pu être évités ?

Le massacre à Charlie Hebdo, l’assassinat de Clarissa Jean Philippe, l’Hyper Casher, le carnage au Bataclan et celui du commando des terrasses…

Des morts de trop dans ce combat contre l'organisation Etat islamique.

Abdelhamid Abaaoud, le coordinateur des attentats était connu et ciblé. Mais, de Raqqa à Paris, en passant par Athènes, il est passé entre les mailles du filet… Un échec qui a couté la vie à 130 personnes et fait 496 blessés. Cela démontre la vulnérabilité de l’appareil sécuritaire français et européen. Echec multifactoriel (diplomatique, militaire, sociétale…) certes. Mais dont les services de renseignement portent aussi une certaine responsabilité malgré les efforts déployés et les nombreux attentats déjoués.

Dès la mi-janvier 2015, Abdelhamid Abaaoud, a failli être arrêté en Grèce. La DGSE a, jusque là, un temps d'avance puisque les informations transmises à la police grecque :une douzaine de numéros de téléphone suspects permettent de le localiser au centre d'Athènes. Abaaoud est venu en personne afin de superviser à distance un attentat à Verviers, en Belgique. Un assaut des forces de sécurité belges fait voler en éclats la surveillance internationale. Il s’enfuit. Sa trace téléphonique se perd place Omonia, à 1 km à vol d'oiseau de l'Acropole. Au moins 2 Français originaires de Trappes sont auprès de lui,  dont un certain Moustache qui regagne la Syrie. Tout comme Abdelhamid Abaaoud, fêté alors en héros par Daech…

Erreur stratégique à l'Elysée

De septembre 2014 à septembre 2015, pour stopper les djihadistes, la France limite ses frappes à l'Irak mais se refuse à bombarder en Syrie. A l’époque l'Elysée croit dfermement qu’affaiblir Daech dans son sanctuaire reviendrait à renforcer la dictature Bachar al-Assad. Mais la France devient une cible prioritaire pour le groupe Etat islamique et l'Amniyat, son service secret. Et en Syrie, la menace grandit dans des camps d'entraînement. Nous sommes sourds et aveugles ! peste le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, qui insiste auprès du président, sans succès.

Au printemps puis à l’été 2015, une série d'attentats désamorcés, notamment à Villejuif, modifie enfin la théorie inébranlable… Fin août 2015, un rapport de la DGSI incrimine Abdelhamid Abaaoud derrière une demi-douzaine d’actions terroristes, comme l'attaque du Thalys. Les agents du renseignement intérieur considèrent que l'ennemi numéro un de la France se trouve hors de portée.

En septembre, François Hollande se décide donc à élargir le front à la Syrie. Rafale et Mirage visent alors les premiers camps d'Abaaoud mais il est… trop tard ! Dès juillet, le tueur est revenu en Europe par la route des migrants via la Hongrie et l'Autriche. Le matériel informatique retrouvé dans l'une de ses planques à Athènes, et transmis à la justice belge, témoigne de ses recherches, telles : Y a-t-il une frontière entre l'Autriche et la Hongrie ?  ou  Immigration Hongrie.

Dans leur livre, Où sont passés nos espions, Christophe Dubois et Eric Pelletier, journalistes, ont interviewé des personnalités de la communauté du renseignement. Ils posent ainsi le doigt sur les plaies. De la traque ratée d'Abdelhamid Abaaoud aux carences du fichier des personnes radicalisées, ils explorent un univers où l'information, pourtant mère de toutes les batailles, circule mal entre alliés et, même, se diffuse difficilement entre les services d'un seul pays. Un cloisonnement quasi maladif qui peut donner lieu à absurdités édifiantes. Ainsi de l'arrestation des 4 jeunes filles en mars 2016 qui menaçaient de s'en prendre à une salle de spectacle parisienne, sur… Facebook ! La DGSI (les renseignements intérieurs français, donc) les appréhende grâce à l'aide technique des Américains, imbattable sur les réseaux sociaux. A son tour, Washington prévient les Belges qui répercutent l'information à la…France. La préfecture de police de Paris met ainsi ses services en alerte, tandis que les suspectes viennent d'être…neutralisées ! Cependant, le ministère de l'Intérieur assure que les policiers parisiens avaient connaissance de l'origine de l'information…

Selon les auteurs, sur les moyens techniques la France est trop dépendante, notamment envers les Etats-Unis. Manque d'anticipation sur l'achat de drones par exemple ou tout simplement de… moyens ! Paris ne pourrait agir en zone syro-irakienne sans l'appui des USA. C'est une chose d'intercepter des données, c'en est une autre de les exploiter, ajoute Louis Caprioli, ex-sous-directeur à la DST (ancêtre de la DGSI). Malheureusement, on manque d’humains capables de sélectionner, traduire et enfin d’analyser correctement les informations. De plus cette captation massive et effrénée est difficilement compatible avec le respect de nos valeurs démocratiques.

A quelques mois des présidentielles, la lutte antiterroriste s’invitera forcément dans les débats de la campagne électorale… Mais derrière les mots, le sens des missions des agents du renseignement doit être au cœur des réflexions.