L’Etat a-t-il une responsabilité dans le calvaire de Marina ?

L'Etat porte-t-il une part de responsabilité dans la mort de Marina,  notamment après un signalement au parquet classé sans suite ?

Marina Sabatier, 8 ans, est décédée le 6 août 2009. Elle avait 8 ans. Une courte vie de torture et d'humiliation qui a pris fin lors d’une séance particulièrement brutale de sévices infligés par ses parents.

Un mois après le décès, le père alertait la gendarmerie sur la disparition de sa fille. Les enquêteurs ont rapidement relevé des contradictions dans les témoignages des parents, qui sont alors passer aux aveux.

Le 26 juin 2012 ils étaient condamnés, par la Cour d'assises de la Sarthe, à 30 ans de réclusion criminelle, dont 20 de sûreté, pour des actes de torture et de barbarie ayant entraîné la mort de Marina.

Enfance & Partage et Innocence en danger dénoncent la série de dysfonctionnements des services sociaux qui ont conduit au désastre. Les associations ont porté plainte contre l’Etat. La Cour de cassation doit se prononcer ce mercredi 8 octobre.

L'avocat général a déjà requis le rejet du pourvoi, estimant que la charge de la preuve des dysfonctionnements allégués n'avait pas été apportée. Lors d'une première audience, le 11 février, l'un des avocats des associations avait défendu une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) visant à faire reconnaître que la notion de faute lourde, exigée par les textes pour mettre en cause la responsabilité de l'État, était disproportionnée et portait atteinte au droit constitutionnel du justiciable à un recours effectif. Mais la Cour de cassation a refusé de transmettre la QPC aux sages du Conseil constitutionnel, estimant que la faute lourde ne faisait pas obstacle à ce droit. Lors de la seconde audience du 9 septembre, consacrée au fond du dossier, François-Henri Briard, avocat d'Innocence en danger, avait rappelé le calvaire de la Marina, devenue le emblématique de tous les enfants maltraités, dont le corps enveloppé dans un drap avait été dissimulé par ses parents dans une caisse remplie de béton. Il estime que le jugement du tribunal d'instance a bien constaté les faits mais sans en tirer les conséquences légales.

Les plaignants dénoncent le classement sans suite par le parquet des différents signalements sur l'état de la fillette. Ils pointent également des carences de la part de la gendarmerie. Enseignantes, directrice d'école, médecin scolaire qui a examiné Marina… Aucun de ces témoins n’a été entendu. Pas plus que les parents tortionnaires, qui ont juste adressé un mot d'excuse !

Il aurait suffit de saisir un juge pour enfant, d'organiser des auditions et de réaliser un contrôle inopiné au domicile des parents de la fillette ! a fustigé Me Briard.

Fin juin, le rapport pour suggérer des pistes afin d’améliorer la protection de l'enfance demandé par l’ancienne défenseure des enfants, relevait des tas de moments ratés dans le suivi de Marina. La mort de la petite fille a été un véritable traumatisme, pour ceux qui avaient partagé des moments de sa vie, comme pour les professionnels ainsi que la population de la région, écrit Marie Derain.

En revanche, l'agent judiciaire de l'État estime que les uniques responsables sont les parents, déjà condamnés. Un examen médical, qui ne s'est pas révélé alarmant, a été réalisé. L'enfant a été entendue en présence d'un spécialiste de l'enfance. Marina était souriante et a donné des explications plausibles à propos des marques sur son corps, a-t-elle rappelé. Aucun indice ne permettait donc à la justice d'aller au-delà. Ces investigations, accomplies avec sérieux, n'ont pas permis d'éviter le drame, a-t-elle affirmé. Aucun dysfonctionnement n'est caractérisé, aucune faute lourde ne peut leur être reprochée aux services de l’Etat, a-t-elle conclut devant la haute juridiction.