Champs Elysées : 250 agriculteurs manifestent pour le glyphosate

À l'appel de la FDSEA* et de l'organisation des Jeunes agriculteurs, 250 éleveurs et céréaliers se sont rassemblés, dès l’aube de ce 22 septembre, à l'angle des Champs-Elysées et de l'avenue de Marigny. Ils s’élèvent contre la volonté de la France et du ministre de la Transition écologique et solidaire, Nicolas Hulot, d'interdire le glyphosate, l'un des pesticides les plus utilisés au monde…mais considéré comme agent cancérigène probable par le CIRC*, donc représentant des risques pour la santé et/ou la biodiversité…

Les manifestants ont déversé de la paille sur la chaussée puis se sont allongés sur le trottoir, vêtus de noir… M. Macron veut être le M. Propre du monde mais c’est le fossoyeur de l'agriculture, a déclaré Frédéric Arnoult, président des Jeunes agriculteurs d'Ile-de-France. Comment peut-on vouloir vendre aux Français un rêve d’alimentation alors qu'on nous enlève nos moyens de production ? a-t-il poursuivi. Les phyto sont essentiels à nos fermes, a renchéri Guillaume Lefort, exploitant dans le 77.

Je ne suis pas un dogmatique et je ne suis pas là pour emmerder l'agriculture, a tenu à rassurer Nicolas Hulot lorsqu’il s’est rendu sur place.

La plus grande erreur serait de ne pas vous écouter et de ne pas mettre en place un dialogue pour trouver une solution, a-t-il ajouté en précisant qu’elle ne sera pas imposée. Une délégation de 6 représentants ont ainsi été reçu par Audrey Bourolleau, conseillère agriculture d'Emmanuel Macron.

Lors de la campagne présidentielle, le candidat s'était engagé à définir un calendrier pour l'élimination progressive des pesticides. L'engagement demeure mais ça se fera avec méthode et dialogue, ça ne se fera pas du jour au lendemain, a indiqué l'Elysée.

Pour tenter de comprendre les raisons de la colère et de leurs inquiétudes Sciences et Avenir a rencontré Damien Greffin, président de la Fédération des syndicats d'exploitants agricoles d'Île de France. C'est incohérent ! rage Damien Greffin. On nage en plein délire, on fait du glyphosate un emblème, alors que qu’il a été un pilier de l'agroécologie sous Le Foll ! s’indigne-t-il.

Le principe de l’agroécologie, soutenu avec ferveur par Stéphane Le Foll, ancien ministre de l'Agriculture, met l’accent sur une meilleure compréhension des écosystèmes et des cycles naturels mais tolère, en effet, un usage limité de produits phyto-sanitaires comme l'usage occasionnel du désherbant entre les rotations de cultures. En France, le glyphosate n'est pas employé comme pesticide, mais comme herbicide, rappelle-t-il. Nous ne nous en servons jamais sur les cultures, mais après la récolte afin de nettoyer le sol, avant une autre productionAlors qu’au Canada, par exemple, il est utilisé sur les végétaux à maturité, ce qui laisse autrement plus de traces dans les assiettes des consommateurs ! explique-t-il. Largement utilisée partout dans le monde, la molécule se retrouve, en effet, sur des céréales, notamment…importées. Selon Damien Greffin, interdire le glyphosate en France pénaliserait injustement les agriculteurs du pays. Sans grande efficacité pour les consommateurs, puisque rien ne l’empêchera d’être utilisé à l’étranger… insiste-t-il. Entre OGM et pesticides interdits en France, où 75 % des substances phytosanitaires ont été interdites en 15 ans, peu de produits importés respectent le cahier des charges imposé aux agriculteurs français, affirme Damien Greffin qui estime que pour maintenir les niveaux de production, ils devront se tourner vers d'autres produits pas forcément moins dangereux mais souvent beaucoup plus chers. Une décision qui accroîtrait encore les difficultés financières d’une profession, où, en 2017, un quart des agriculteurs vivent déjà sous le seuil de pauvreté.

 

*Fédération Départementale des Syndicats d'Exploitants Agricoles, premier syndicat agricole

** Herbicide, le plus répandu en Europe. La molécule notamment utilisée dans le Roundup de Monsanto. La licence d'exploitation du glyphosate** expire fin 2017. Pour être validée, la proposition de la Commission européenne pour son renouvellement doit recueillir une majorité qualifiée, c’est à dire le soutien de 16 des 28 Etats membres, représentant au moins 65% de la population de l'UE. La France a annoncé qu'elle voterait contre.

Les agriculteurs jugent cette position incohérente et dangereuse pour leur profession…