Jacqueline Sauvage : libre… enfin !

Jacqueline Sauvage est libre. Graciée par François Hollande au lendemain de Noël, elle a été libérée ce mercredi 28 décembre 2016.

Certains magistrats ont immédiatement dénoncé une ingérence. Une décision consternante, a vitupéré Virginie Duval, présidente de l’USM, principal syndicat des professionnels de la profession.

Je ne comprends pas cette levée de boucliers ! s’étonne Luc Frémiot* s’exprimant dans Le Parisien. Quand Omar Raddad en a bénéficié, personne ne s'est offusqué ! insiste l’avocat général près la cour d'appel de Douai*. Le droit de grâce présidentielle est en effet une prérogative du premier magistrat de France. Il a été pensé comme un contrepoids, ultime recours quand la justice dérape. Ce n'est pas un caprice mais un droit garanti par la Constitution qui n’interfère avec aucune procédure en cours, explique Luc Frémiot. Il n'y a rien à dire, juste à s'incliner… conclut-il avant de revenir sur les dysfonctionnements dans le traitement judiciaire de l’affaire Jacqueline Sauvage.

Selon lui, les avocates de Jacqueline Sauvage n'ont pas choisi la bonne stratégie. Dans son cas : Plaider la légitime défense était un non-sens ! Qu'une peine de 10 ans ait pu être requise, prononcée et confirmée en appel, me sidère, insiste Luc Frémiot mettant en cause la stratégie de défense : selon lui dans ce cas plaider la légitime défense était un non-sens ! La question majeure des violences conjugales, le quotidien de milliers de femmes, a été visiblement été éludée. Trop d’appels à l'aide ignorés… des plaintes transformées en mains courantes... L'éviction du domicile du conjoint violent réduit drastiquement les récidives. Si on la prononçait systématiquement, on éviterait bien des drames.

Après sa grâce partielle, Jacqueline Sauvage a été visiblement l'otage d'un bras de fer entre des magistrats et le pouvoir présidentiel. Le justiciables fait parfois les frais d’intérêts corporatistes. Pour refuser la libération conditionnelle de Jacqueline Sauvage, les magistrats ont invoqué l’absence d’un authentique sentiment de culpabilité. Or il s’agissait de se prononcer sur la dangerosité de Jacqueline Sauvage, du risque de récidive !  Que risquait-on à la faire sortir ??

Je me demande si mes collègues n’ont pas confondu leur robe avec celles des prêtres… ! s’interroge le magistrat sur France Inter


VIDEO. Jacqueline Sauvage : "je n'en reviens toujours pas"

Chronologie

Le 10 septembre 2012, après 47 ans de violences conjugales Jacqueline Sauvage tire à 3 reprises sur son mari alcoolique. Norbert Marot, 65 ans, gérant d'une entreprise de transport, décède sur le coup. Il battait et abusait sexuellement de ses filles. Leur fils s'était pendu la veille du drame. Jacqueline Sauvage n'avait jamais porté plainte mais… Tout le monde savait, ont témoigné une vingtaine d'habitants de la Selle-sur-le-Bied, la commune du Loiret où habitait la famille.

Le 28 octobre 2014, Jacqueline Sauvage comparait libre devant la cour d'assises d’Orléans, après 11 mois de détention provisoire.  A l’issue de 3 jours d'audience, la mère de famille battue est condamnée à 10 ans de réclusion criminelle. L'avocate générale avait requis entre 12 et 14 ans de prison, sans retenir la préméditation. Les avocates de Jacqueline Sauvage font appel de la décision.

Le 3 décembre 2015, après 5 h de délibéré, la cour d'assises du Loir-et-Cher confirme, en appel, la condamnation initiale.

Les proches et les soutiens de Jacqueline Sauvage dénoncent la sévérité du jugement. Des pétitions mobilisent des milliers de personnes sur internet pour adresser une demande de grâce à François Hollande. Des célébrités et des élus de tous bords, réclament la même chose.

Le 12 décembre 2015, des dizaines de personnes manifestent place du Châtelet à Paris. La demande de grâce est partie de la société civile, ce n'est pas notre initiative, mais nous la soutenons, précise alors Me Tomasini, une des avocates de Jacqueline Sauvage.

Le 11 janvier 2016, François Hollande, qui a reçu 2 jours avant les filles et les avocates de Jacqueline Sauvage, lui accorde une grâce partielle : le président de la République a voulu, face à une situation humaine exceptionnelle, rendre possible, dans les meilleurs délais, le retour de Mme Sauvage auprès de sa famille, indique un communiqué de l'Élysée. La mère de famille peut ainsi demander sa libération conditionnelle immédiatement.

Le 8 février 2016, Jacqueline Sauvage est incarcérée dans une prison de Seine-et-Marne. Elle subit pendant 6 semaines des évaluations psychologiques et médicales de la part d’experts chargés de se prononcer sur sa dangerosité.

Le 12 août 2016, le tribunal d'application des peines de Melun rejette la demande de libération conditionnelle (… ) Il ressort de la décision qu'il est reproché à Jacqueline Sauvage de ne pas avoir confirmé qu'elle avait finalement choisi de commettre ces faits, soulignent ses avocates.

Le 24 novembre 16, le rejet de la libération conditionnelle est confirmé en appel.

Jacqueline Sauvage, épuisée par cet acharnement judiciaire renonce au pourvoi en cassation.

Le 2 décembre 16, les soutiens de Jacqueline Sauvage réclament une grâce présidentielle totale. Désormais, seule procédure possible. Ses filles se déclarent inquiètes pour sa santé.

Le 28 décembre16, François Hollande accorde enfin la grâce totale. Le président de la République estime que la place de Jacqueline Sauvage n'est plus aujourd'hui en prison mais auprès de sa famille. L'Elysée annonce une remise gracieuse du reliquat de sa peine d'emprisonnement qui met fin immédiatement à sa détention.

*Luc Frémiot, avocat général près la cour d'appel de Douai (59) est connu pour son action contre les violences faites aux femmes, notamment la mesure d’éloignement des conjoints violents… Luc Frémiot, invoquant la légitime défense, avait obtenu l'acquittement d'Alexandra Lange, accusée du meurtre de son mari violent. Son histoire a récemment été adaptée dans Anna, un téléfilm sur France 5.