Christine Lagarde devant la Cour de justice de la République pour l’arbitrage Tapie

Christine Lagarde,  directrice du Fonds monétaire international (FMI) et ancienne ministre de Nicolas Sarkozy, est jugée à partir de ce 12 décembre 2016 devant la Cour de justice de la République (CJR) pour son rôle l’arbitrage Tapie.

Il lui est reproché d’avoir fait preuve d’une incurie et d’une précipitation critiquables.

Le délit de négligence est passible de 15 000 € d’amende et d’une peine de prison d’un an maximum.

Le 22 juillet dernier, l’arrêt de la Cour de cassation a estimé que la commission d’instruction de la CJR avait justifié sa décision de renvoi et l’a donc validé. La plus haute juridiction française ne se prononce pas sur le fond mais uniquement sur la conformité au droit. La Cour de cassation n’est donc pas habilitée à apprécier la valeur des charges à l’encontre de Christine Lagarde.

L’affaire remonte à plus de 20 ans. En 1995, Bernard Tapie accuse le Crédit Lyonnais de l’avoir floué

dans la revente d’Adidas. Il porte plainte et lui réclame 229 millions d’€. La banque, en quasi-faillite est placée à l’époque sous la tutelle d’une structure publique dénommée consortium de réalisation (CDR). Au bout d’une procédure de 10 ans, la Cour d’appel condamne le CDR à verser 135 millions d’€ à Bernard Tapie.

Mais en 2006, l’arrêt est annulé par la Cour de cassation qui estime que la faute du Crédit Lyonnais n’a pas été correctement caractérisée… Tout est à recommencer ! L’Elysée propose alors la mise en place d’un arbitrage privé, meure exceptionnelle puisque généralement réservée aux litiges commerciaux.

Lorsque Christine Lagarde est nommée ministre de l’Economie, la décision était déjà prise mais les magistrats de la CJR ont souligné que l’arbitrage n’a été précédé ni d’une expertise juridique ni d’une étude approfondie d’un dossier pourtant complexe et ses immanquables conséquences importantes sur les finances publiques.

Pour juges, un tel choix est pour le moins étonnant, voire fautif d’autant que Christine Lagarde a accepté cette solution contre l’avis de ses services… De plus, elle n’a pas réclamé un encadrement plus strict de la procédure, notamment sur les sommes allouées. Et effet, en juillet 2008, la sentence arbitrale impose au consortium de verser à Bernard Tapie 404 millions d’€ de dédommagement, dont 240 millions pour le préjudice matériel, 100 millions d’intérêts et 45 pour le préjudice moral !!! Et, la ministre de l’Economie annonce qu’elle n’engagera pas de recours en annulation…

Une légèreté peu admissible, selon le CJR au regard de la lourdeur de la condamnation, constituant à elle seule un motif sérieux de contestation !

En juillet 2015, Christine Lagarde avait déclaré avoir toujours agi de bonne foi et en accord avec la loi. Puisque tous les recours ont été rejetés, elle sera donc jugée par la Cour de Justice de la République, la seule juridiction habilitée à juger des ministres en exercice. Son avocat, Me Patrick Maisonneuve, avait affirmé, confiant, être convaincu que la CJR écarterait toute responsabilité de sa cliente…

Au civil, l’arbitrage a été annulé pour fraude par la Cour d’appel de Paris, décision confirmée par la Cour de cassation. Bernard Tapie a été condamné à rembourser les sommes perçues.

En tout, 6 personnes ont été mises en examen, notamment pour escroquerie en bande organisée : Bernard Tapie, son avocat Me Maurice Lantourne, Pierre Estoup, l’un des arbitres ainsi que Stéphane Richard, l’ancien directeur de cabinet de Christine Lagarde à Bercy et actuel patron d’Orange.