Venezuela : 1,6 millions d’exilés de la faim fuient vers les pays voisins

Au Venezuela, plus de 1,6 million* de ressortissants ont fui la crise économique et politique depuis 2015.

En quête d'une vie meilleure, ils partent en bus vers le Brésil, la Colombie, l'Équateur, le Pérou, le Chili ou encore l'Argentine.

Nous avons tous peur. Mais nous aurions plus peur encore si nous devions nous en retourner, affirme une Vénézuélienne de 48 ans, à la frontière entre l'Équateur et la Colombie.

L'Organisation internationale pour les migrations (OIM) a prévenu que l'exode est sur le point d'atteindre un stade de crise, comparable à la situation des migrations en Méditerranée… Cet afflux massif provoque immanquablement des tensions dans ses voisins d’Amérique Latine et certains pays ont restreint l'accès à leur territoire. Désormais, le Pérou en exige que les réfugiés présentent un passeport. L'Équateur a invité les ministres des Affaires étrangères de 13 États de la région, y compris le Venezuela, à une réunion les 17 et 18 septembre sur ce sujet.

Une vague xénophobe en Amérique latine ?

Au Brésil, la région du Roraima jouxte le Venezuela. C’est un État très pauvre où les services publics sont à l’abandon ou inexistants. A Pacaraima, 12 000 habitants et un millier de réfugiés vénézuéliens, un incident a vite dégénéré : alors que des commerçants brésiliens accusaient les migrants de vol et d'agression, des dizaines d'habitants ont attaqué leurs 2 principaux campements improvisés et brûlé les biens. L'arrivée massive de Vénézuéliens a fait irruption dans le jeu politique, explique un expert des migrations.

Bénédiction pour les politiciens locaux…

Les politiciens ont pu mettre insuffisances et dégradations sur le dos de ces boucs-émissaires et attiser les braises, explique-t-il. Suely Campos, gouverneure du Roraima et candidate pour le renouvellement de son mandat en octobre, a ainsi appelé à la fermeture de la frontière entre le Brésil et le Venezuela… La gouverneure de la région se sert de ça, c'est du populisme pur et simple ! fustige-t-il, estimant que le gouvernement brésilien de Michel Temer fait plutôt du bon travail. D’ailleurs, face aux violences de Pacaraima, l'armée a été rapidement dépêchée sur place pour éviter que la situation ne s'envenime. Un plan gouvernemental a permis le transfert de 820 Vénézuéliens vers Sao Paulo au sud-est et Manaus au nord. Le Brésil devrait évidemment faire plus pour empêcher toute xénophobie mais le gouvernement est affaibli politiquement par les affaires de corruption…

Le Pérou ferme la porte au nez

Attirés par le dynamisme économique du pays ou la perspective de rallier le Chili ou l'Argentine par la route, 2 500 à 3 000 Vénézuéliens arrivent chaque jour au Pérou. Jusqu'à présent, une simple carte d'identité leur suffisait pour voyager dans toute l’Amérique Latine. Mais ce 25 août, le Pérou a fermé sa frontière aux Vénézuéliens ne disposant pas de passeport… Or, en raison de la crise économique et de la pénurie généralisée notamment celle affectant le papier, obtenir un passeport est devenu un parcours du combattant. Et, certains politiciens péruviens tentent également de capitaliser sur le rejet des migrants : Ricardo Belmont, candidat à la mairie de Lima pour le parti Peru libertario dénonçait en juillet dans une vidéo ces Vénézuéliens qui venaient voler le travail des Péruviens et à qui le gouvernement donne des avantages que les Péruviens n'ont pasDe nombreuses rumeurs ont également circulé sur les exilés RFI ils sont accusés d'être porteurs du VIH, de venir briser les mariages, de vivre grassement des aides gouvernementales…

Certains vont jusqu’à affirmer que l’ONU va obliger le Brésil à accueillir un million de réfugiés. Des bateaux vont débarquer plein de Vénézuéliens. Ces médisances expliquent les mesures restrictives prises dans plusieurs pays d'Amérique latine, historiquement terre d'accueil, des Italiens de la fin du XIXe siècle aux Syriens et Haïtiens.

Le Pérou a limité les entrées. Le Chili a augmenté ses exigences avec un visa de responsabilité démocratique… Mais plus d'un million de Vénézuéliens sont entrés Colombie en durant les 16 derniers mois et Bogota a entrepris la régularisation temporaire d'au moins 820 000 d'entre eux.

En l'Équateur un référé suspensif a été présenté par le Défenseur du peuple face à l'exigence de l'État équatorien de demander un passeport aux ressortissants vénézuéliens. La justice a accepté…  Pour établit un corridor humanitaire, Quito a mis en place un service d'autocars gratuit pour les Vénézuéliens qui transitent pour rejoindre le Pérou. Nous allons continuer tant que ce sera possible, a assuré Mauro Toscanini ministre de l'Intérieur.

Nicolas Maduro veut rapatrier la diaspora

Après les incidents de Pacaraima, Jorge Arreaza ministre des Affaires étrangères vénézuélien a tancé le Brésil et demander aux autorités locales de prendre toutes les mesures pour la protection et la sécurité des familles et de leurs biens. Caracas a manifesté sa préoccupation au sujet des attaques contre ses citoyens et des expulsions massives qui violent le droit international. Le président Maduro a fait de la fin de la crise économique sa priorité. Il a dévoilé de nouvelles orientations pour tenter d’enrayer les pénuries et l'hyperinflation : 82 000 % en juillet ! Jorge Rodriguez, ministre de l'Information, estime que ces mesures devraient convaincre les Vénézuéliens de rentrer chez eux. Nous avons besoin d'eux pour que le pays se relève, a-t-il déclaré.

Un plan baptisé Retour à la patrie a été lancé : 97 Vénézuéliens vivant au Pérou ont ainsi été rapatriés contre la promesse d'une aide gouvernementale pour trouver un emploi. Les opposants au régime dénoncent des manœuvres de communication politique.

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* L'ONU évalue à 2,3 millions le nombre de personnes ayant fui la misère, soit 7,5 % de sa population de 30,6 millions, selon le dernier recensement.