Mali : la presse assassinée
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- Catégorie : Actualité internationale
- Publié le Lundi, 04 Novembre 2013 10:10
2 journalistes français de RFI ont été tués samedi à Kidal* dans le Nord du Mali vers 18 h 30 après avoir été enlevés. Le ministère des Affaires Etrangères a déclaré que Ghislaine Dupont et Claude Verlon venaient interviewer un responsable touareg lorsqu'ils ont été enlevés par un commando armé à bord d'un pick-up. Un hélicoptère de la force Serval a immédiatement décollé pour tenter de suivre leur trace, en vain. Moins de deux heures après, une patrouille militaire française a retrouvé leurs corps sans vie dans le désert à 12 km de Kidal.
Qui ? Pourquoi ? Y a-t-il un lien avec la libération quelques jours plus tôt de quatre otages français retenus 3 ans au Niger ?
Manifestement, il n'y a pas d'autre message que celui de tuer, constate Christophe Deloire, secrétaire général de Reporters sans Frontières. RFI est très écouté en Afrique et leur appartenance à cette radio a pu être déterminante… ou alors il s'agit de démontrer une volonté d'intimidation aux deux reporters voyageant sans protection. Pourtant ce n'étaient pas des têtes brûlées… Ghislaine Dupont et Claude Verlon étaient des professionnels expérimentés, ils n'avaient pris aucun risque, a tenu à souligner Marie-Christine Saragosse, la présidente de France Médias Monde (FMM).
La mort de Ghislaine Dupont et de Claude Verlon provoque la colère et la tristesse. La rédaction de RFI est sous le choc, l'émotion reste vive au sein des médias et de la classe politique. Le double assassinat, perçu comme un acte lâche et écœurant, indigne aussi les Maliens notamment à Bamako. Je me sens mal… dit un habitant. Les journalistes maliens ont d'ailleurs décidé une grève aujourd'hui par solidarité et une marche blanche dans la capitale.
Etre ciblé parce qu’on est journaliste, c’est inacceptable, fustige Nicolas Champeaux, journaliste au service Afrique. Tous leurs amis et confrères décrivent les deux reporters tués au Mali ce samedi comme des journalistes chevronnés et passionnés par leur métier :
Gigi, comme la surnommait ses collègues était, à 51 ans, une figure emblématique du service Afrique. Ghislaine Dupont avait découvert ce pays au début des années 90. Elle consacrera 10 ans à couvrir l'actualité société et politique de la République Démocratique du Congo avan d’être expulsée de Kinshasa entre les deux tours de la présidentielle en 2006. Mais Ghislaine Dupont était très appréciée à la capitale de la RDC mais aussi à Goma ou Bukavu. J'ai perdu ma sœur. Elle est venue mourir, ici, chez moi, au Mali, en Afrique où les morts ne meurent pas. Elle restera donc avec nous, dans le désert au Sahel témoigne Tiébilé Dramé, un homme politique malien, en apprenant le drame.
Claude Verlon était à 58 ans un technicien aguerri et capable d’assurer une liaison satellite dans les conditions les plus improbables. Grand professionnel, toujours volontaire pour l'Afghanistan, la Libye, l'Irak et l'Afrique qu'il aimait passionnément comme sa consœur Ghislaine Dupont, avec qui il était déjà parti au Mali, rappelle Laurent Chaffard, un journaliste de RFI. Ils rendaient compte sur le terrain du quotidien des Maliens à la veille des élections législatives. Leur reportage devaient être diffusé lors d'une délocalisation des émissions prévue le 7 novembre à Bamako.
Selon Mathieu Guidère, spécialiste des mouvements islamistes radicaux, ces assassinats pourrait être une vengeance contre le MNLA (Mouvement de libération de l'Azawad) qui avait invité les reporters ou une action d'AQMI (al-Qaïda au Maghreb islamique). Aucun indice concret ne permet d'établir pour l'instant un lien avec la récente libération de quatre otages français retenus au Niger pendant trois ans par AQMI mais l'hypothèse est forcément envisagée…
François Hollande a exprimé son indignation face à cet acte odieux et s'associe à la douleur des familles. Les corps de Ghislaine Dupont et de Claude Verlon ont été ramenés dimanche à Bamako et seront rapatriés demain 5 novembre après une cérémonie sur place. Le chef de l’Etat malien Ibrahim Boubacar Keïta a réuni ses proches collaborateurs. Certaines mesures vont être prises, notamment l’ouverture d’une enquête judiciaire au Mali. Le président de la République a présenté au peuple français, aux familles des victimes, ainsi qu’à la communauté de la presse les condoléances du peuple et du gouvernement malien, a annoncé Mahamane Baby, porte-parole du gouvernement.
Les deux pays entendent maintenant mettre tout en œuvre pour retrouver les meurtriers.
*Kidal, ville tenue par Ansar Dine et Aqmi (Al-Qaïda au Maghreb islamique), les habitants sont confrontés aux règles imposées par les islamistes. (RFI 7 mai 2012). Malgré l'opération Serval des militaires français pour libérer la population, la ville reste une zone de non droit. Moins de 500 soldats sont encore sur place.