Mais qu’a donc vraiment fait Richard Ferrand ?
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- Catégorie : Actualité France
- Publié le Mercredi, 31 Mai 2017 09:44
L'accumulation des révélations des médias sur les agissements passés de Richard Ferrand ne manquent pas d’entacher la volonté de moralisation de la vie publique revendiquée par le président Macron.
Le projet de loi, affiché comme une priorité, devrait être légèrement reporté… Tandis que Libération titre Faites ce que je dis, pas ce que je fais… , le Premier ministre Edouard Philippe pour tenter de calmer l’opinion, a affirmé comprendre les Français mais il soutient son ministre de la Cohésion des territoires : tant qu’il n’est pas mis en examen, Richard Ferrand gardera son poste.
Je suis un homme honnête, affirme ce dernier sur France Inter où il a accepté de venir s’expliquer. Je ne suis pas un faux-cul, je suis là !, insiste-il avant de déclarer que la suspicion est un poison de la Démocratie…Tout a commencé avec
l’édition du 24 mai du Canard enchaîné où l'hebdomadaire a révélé les dessous d'une transaction immobilière conclue début 2011. Richard Ferrand est alors directeur général des Mutuelles de Bretagne, organisme à but non lucratif. A l'unanimité, le bureau du conseil d'administration choisit de louer un nouveau local destiné à un centre de soins à Brest, à la société civile immobilière Saca. Loyer annuel : 42 000 €. Pourtant, cette SCI n'a pas encore d’existence légale et n'est pas encore propriétaire des surfaces proposées à la location… La future gérante, Sandrine Doucen, avocate et compagne de Richard Ferrand, enregistre alors sa SCI* au capital de 100 € avec un ami de Richard Ferrand. Il investit 1 € et achète une action. Sandrine Doucen prend les 99 autres. Quelques mois plus tard, elle obtient un prêt d'un peu plus de 402 000 €, 100% du prix ainsi que les frais de notaire pour acheter les locaux brestois.
Un traitement uniquement consenti aux acquéreurs disposant d'un locataire aux revenus garantis, souligne Le Canard Enchaîné. Cette location lui finance donc la totalité de l'achat, insiste l'hebdomadaire. De plus, les lieux seront entièrement rénovés, aux frais des Mutuelles de Bretagne, et ce sans contrepartie, pour la modique somme de 184 000 €, ajoute Le Canard…
A la suite des révélations du journal, le parquet national financier a fait savoir qu'il ne comptait pas ouvrir d'enquête préliminaire. Pour l'instant, la justice considère que ce contrat immobilier n’est pas illégal… Aucun des faits relatés n’est susceptible de relever d’une ou plusieurs qualifications pénales permettant d’ouvrir une enquête préliminaire, a fait savoir le procureur de Brest dans un communiqué. Au vu de l'article 705 du Code de procédure pénale, les faits évoqués à ce stade n'entrent pas dans le champ de compétence du PNF, a précisé une source proche du dossier à l'AFP.
Mais dans Le Parisien du 29 mai, Alain Castel, avocat, bien au courant de la transaction, dénonce un enfumage, en apportant les précisions suivantes : la promesse de vente signée le 23 décembre 2010 par Richard Ferrand comportait une condition suspensive, liée au bail consenti aux Mutuelles de Bretagne et à la création d'une SCI. L’ancien bâtonnier désormais à la retraite s'étonne aussi que Richard Ferrand n'ait pas pris la décision de faire acheter l'immeuble par la mutuelle puisque le bien avait largement pris de la valeur avec les travaux. Il ignore si le contrat liant les Mutuelles de Bretagne à la SCI de Sandrine Doucen a été soumis à un commissaire aux comptes, comme prévu par le Code de la mutualité en cas de conflit d'intérêts.
Dans Le Télégramme, Joëlle Salaün, actuelle directrice générale des Mutuelles de Bretagne explique que les commissaires aux comptes n'ont pas été avisés car nous n'y étions pas tenus juridiquement. Les conditions qui l’exigent-un prix supérieur à celui du marché et un lien juridique entre Richard Ferrand et sa compagne-n'étaient pas remplies, justifie-t-elle. Toute la procédure a été respectée à la lettre. Tout était parfaitement légal !
Précisions confirmées par le commissaire au compte, joint par le Télégramme : Il n'y a pas de problème de légalité. Si c'est au prix du marché, le président d'une entreprise peut tout à fait décider de louer des locaux à sa petite amie ou à son fils ou sa fille, précise à francetvinfo, Maître Thibault du Manoir de Juaye, spécialiste en droit des sociétés. Sur le principe, la convention est juridiquement valable. Elle a été soumise à autorisation du conseil d'administration. Si c'était le mieux-disant, donc dans l'intérêt des Mutuelles de Bretagne de louer à la compagne de Richard Ferrand, ce choix est normal.
J'ai tout de suite compris la manœuvre, assène cependant l'avocat Alain Castel dans Le Parisien. Richard Ferrand allait louer l'immeuble à la mutuelle et faire passer tous les travaux à la charge de celle-ci… Sans compter la belle plus value. Richard Ferrand se défend de tout conflit d'intérêts, a fortiori d'enrichissement personnel. Je ne suis ni marié ni pacsé avec Sandrine Doucen, répond-il au Parisien. Nous n'avons pas de patrimoine commun. On peut se séparer, chacun gardera ses biens… Je ne suis pas partie prenante
Par ailleurs, en 2014, Richard Ferrand, alors député du Finistère a employé son fils comme collaborateur parlementaire en 2014. Selon France Info, Emile 23 ans à l'époque, s'est occupé de rédiger la lettre d'information bimestrielle, de mettre à jour son blog et son compte Facebook, et de réserver des trains.
Pour ce travail, il a perçu 776,03 € net en janvier pour 27 h/semaine, 1 266,16 € net en février, mars, avril pour 35 h/ semaine et 2 222 € en mai, pour solde de tout compte : congés, prime de précarité, 13e mois compris. Rien d'illégal, puisqu'il n'est, jusqu’à présent, pas interdit à un parlementaire d'embaucher un membre de sa famille. Mais, depuis l'affaire Fillon, ces pratiques sont de plus en plus mal supportées par les citoyens et que la loi de moralisation de la vie publique en censée y mettre fin… Christian Jacob, coordinateur de la campagne LR pour les législatives, a ainsi demandé à Emmanuel Macron de faire le ménage dans son gouvernement !
Député à Paris et candidat PS pour son 6e mandat, Jean-Christophe Cambadélis, réclame, lui aussi, la démission de Richard Ferrand, dénonçant un aspect d'enrichissement personnel Sur Public Sénat Yannick Jadot a jugé injustifiable le maintien de Richard Ferrand à son poste. Les faits sont avérés, donc la question n'est pas la présomption d'innocence .... Est-ce que, du point de vue éthique etmoral, ce qu'a fait M. Ferrand est acceptable dans le champ politique aujourd'hui ? Je considère que non !
70 % des Français sont d’accord : ils pensent que Richard Ferrand devrait démissionner…
Ce 1er juin, l'association Anticor annonce une plainte au parquet de Brest
La question est de savoir si l'accord qui liait les Mutuelles de Bretagne à la compagne de Monsieur Ferrand à travers une SCI a été conclu dans l'intérêt des Mutuelles ou dans l'intérêt de cette proche, a déclaré, Maître Jérôme Karsenti, l'avocat de l'association.
*une SCI doit compter au moins 2 associés