Venezuela : Juan Guaido, président autoproclamé par intérim

Juan Guaido, président du nouveau Parlement vénézuélien où l'opposition est majoritaire, s'est autoproclamé chef de l'Etat par intérim.

Le Parlement vénézuélien estime que Maduro, réélu l'été dernier au terme d'un scrutin boycotté par les principales forces de l'opposition, est un usurpateur.

Principal opposant, Juan Guaido, 35 ans, espère être en mesure d'unifier les opposants et se dit prêt à remplacer l’héritier Hugo Chavez à titre provisoire, avec le soutien de l'armée, le temps d'organiser des élections libres.

Aujourd'hui, 23 janvier* 2019, en tant que président de l'Assemblée nationale, invoquant les articles de la Constitution bolivarienne de la République du Venezuela, toute notre action étant basée sur notre Constitution, devant Dieu tout-puissant, le Venezuela, et avec tout le respect de mes collègues et membres de la Table de l'Unité, je jure d'assumer formellement les compétences du pouvoir exécutif national , en tant que président en charge du Venezuela pour parvenir à l'arrêt de l'usurpation du pouvoir, un gouvernement de transition, et des élections libres, a-t-il déclaré depuis une tribune.

Le désespoir et l'intolérance portent atteinte à la paix de la Nation. Nous, soldats de la patrie, nous n'acceptons pas un président imposé à l'ombre d'intérêts obscurs ni autoproclamé en marge de la loi. L'armée défend notre Constitution et est garante de la souveraineté nationale, a affirmé quelques heures cette annonce, Vladimir Padrino, le ministre de la Défense.

La Cour suprême, favorable au régime, a jugé que le Parlement ne devait pas reconnaître Guaido comme son président et demandé aux services du procureur de l'Etat d'ouvrir une enquête sur lui.

En revanche, Juan Guaido a été immédiatement reconnu par Donald Trump qui a invité les autres pays occidentaux à en faire autant. Les Etats-Unis mettront à profit le poids de leur puissance économique et diplomatique afin d'encourager le rétablissement de la démocratie vénézuélienne, a assuré le président américain. Le peuple du Venezuela a courageusement parlé contre Maduro et son régime et exigé la liberté et l'Etat de droit, a-t-il insisté.

Aussitôt, le Venezuela a rompu ses relations diplomatiques avec les Etats-Unis…

J'ai décidé de rompre les relations diplomatiques et politiques avec le gouvernement impérialiste des Etats-Unis. Dehors ! Qu'ils s'en aillent du Venezuela, ici il y a de la dignité, voyons ! , a riposté Nicolas Maduro, qui a donné 72 h aux représentants diplomatiques nord-américains pour quitter le pays.

Le département d'Etat américain a répondu au chef d’Etat vénézuélien qu’il n'en avait pas l'autorité légale, dans la mesure où Washington ne reconnait plus son régime

Nos félicitations à Juan Guaido, le président en exercice du Venezuela, a déclaré à son tour Luis Almagro, secrétaire général de l'OEA (Organisation des États américain) Il a toute notre reconnaissance pour impulser le retour de la démocratie dans ce pays, a-t-il fait savoir sur Twitter.

Le Canada, le Pérou, le Costa Rica, le Brésil, l'Argentine, le Guatemala et la Colombie ont également reconnu à leur tour Juan Guaido comme président par intérim.

La majorité de pays membres du Groupe de Lima, qui regroupe 12 pays afin d'établir une sortie pacifique de la crise au Venezuela, a fait de même. Excepté le Mexique où Andres Manuel Lopez Obrador, a annoncé garder sa confiance au gouvernement de Nicolas Maduro. Ainsi que Cuba qui a exprimé son ferme soutien face à une tentative de coup d'État

Nous avons décidé de reconnaître Juan Guaidó comme président par intérim et nous tenons à lui manifester notre soutien le plus total dans son importante mission de rétablir la démocratie au Venezuela, en appelant à des élections libres et démocratiques sous un délai de 30 jours, a assuré de son côté Sebastian Piñera le président du Chili. De plus, nous sommes convaincus que le mal nommé président Maduro fait partie du problème et non de la solution, a-t-il ajouté.

Sur Twitter, Donald Tusk, président du Conseil européen, a dit espérer que toute l'Europe va être unie en soutien des forces démocratiques au Venezuela ». « Contrairement à Maduro, l'assemblée parlementaire et Juan Guaido, ont un mandat démocratique, a-t-il souligné.


*23 janvier : date historique qui commémore la chute de la dictature de Marcos Perez Jimenez, en 1958.

Plusieurs centaines de milliers de personnes manifestent à Caracas** :

Une foule immense qui dépasse les grandes manifestations de 2017…

Dès 10 h, l’avenue Francisco de Miranda à Caracas est déjà pleine. Un flux ininterrompu de personnes arrive, du métro, des rues adjacentes, de partout… Drapeaux vénézuéliens dans les mains et casquettes jaunes, bleues et rouges sur les têtes.

Les larmes aux yeux, un homme de 69 ans observe l’étendue du cortège : Je n’ai jamais vu autant de gens. Rien qu’en regardant, ça se voit que nous sommes la majorité. Que le président arrête de nous tromper. Avec ça, je suis sûr qu’il a peur. Depuis 20 ans, le vieil homme a participé à toutes les manifestations et assure que celle-ci les dépasse toutes et de loin : Il n’y a pas de médicaments, pas de nourriture, rien, les enfants meurent ici ! On a atteint la limite, la coupe est pleine, dénonce-t-il.


Opposants, en blanc, sont descendus en masse dans les rues de la capitale et dans tout le pays pour exiger un gouvernement de transition et de nouvelles élections..

De même, en rouge, les partisans de Nicolas Maduro, se sont rassemblés dans plusieurs quartiers de Caracas et d’autres villes du Venezuela pour apporter leur soutien au chef de l'Etat et rejeter les revendications de l'opposition, qu'ils considèrent comme une tentative de coup d'Etat orchestrée par Washington.

En 2 jours, au moins 13 personnes sont mortes, majoritairement par arme à feu, selon l'OVCS (Observatoire vénézuélien des conflits sociaux), une ONG d'opposition.

Des heurts ont éclaté entre membres de la Garde nationale et partisans de l'opposition : Des dizaines de manifestants ont bloqué une artère principale dans le quartier d'Altamira, dans une banlieue cossue de Caracas. Les forces de l’ordre ont fait usage de gaz lacrymogène pour les déloger.


** Benjamin Delille, correspondant RFI à Caracas