Syrie : Lafarge accusé d'avoir versé de l'argent à des organisations terroristes

Les juges d'instruction ont mis en examen 3 cadres de Lafarge*, pour financement d'une entreprise terroriste et mise en danger de la vie d'autrui :

Bruno Pescheux, directeur de l'usine de 2008 à 2014, et Jean-Claude Veillard, directeur sûreté ainsi que Frédéric Jolibois, directeur du site à partir de l'été 2014, qui devra également répondre de violation du règlement européen  concernant l'embargo sur le pétrole syrien, a indiqué Maître Jean Reinhart, son avocat.

Après leur garde à vue, ils ont été conduits ce 1er décembre au tribunal de Paris.

Le parquet aurait requis le placement en détention provisoire de Bruno Pescheux et le placement sous contrôle judiciaire des 2 autres cadres.

100 000 $/mois…au soleil

En 2013-2014, alors que la plupart des industriels avaient fermé leurs installations en Syrie, Lafarge avait continué à faire fonctionner sa cimenterie de Jalabiya. Pour pouvoir agir ainsi, pour préserver sa sécurité et ses approvisionnements, notamment en pétrole et que son personnel ait accès au site, l’entreprise devait payer les factions de tous bords, dont Daesh, bien sûr… Et Lafarge a dissimulé ces versements avec de fausses pièces comptables, évidemment.

Bruno Pescheux aurait confirmé le versement par Lafarge Cement Syria, la filiale locale, de 80 000 à 100 000 $/ mois à Firas Tlass, ex-actionnaire minoritaire de l'usine, un intermédiaire. Il était chargé de répartir ces fonds entre les groupes armées, soit environ 20 000 $/mois pour l'Etat islamique.

La direction de l'usine Lafarge Syrie a quitté Damas pour Le Caire à l'été 2012. Les expatriés ont été évacués. Mais le personnel local a continué à faire tourner la cimenterie…

La justice cherche à déterminer par quels moyens Lafarge a réussi à assurer leur sécurité : 9 employés alaouites avaient d’ailleurs été kidnappés en 2012 puis libérés après paiement d'une rançon de 200 000 €.

Malgré cela, Lafarge avait décidé de se maintenir en Syrie jusqu’à ce que l'Etat islamique prenne le contrôle de la cimenterie en septembre 2014.Les ouvriers locaux, livrés à eux même face à Daesh, ont alors fui par leurs propres moyens…

En 2015, Lafarge a fusionné avec Holcim, un homologue suisse. L'ex siège de Lafarge à Paris, où sont désormais en poste certaines équipes de LafargeHolcim, a été perquisitionné les 14 et 15 novembre dernier.

La responsabilité de Bruno Lafont, PDG de l'époque, qui a été entendu par les douanes judiciaires, reste à déterminer…


*devenu depuis LafargeHolcim