Yémen : 17 millions de personnes en danger de mort

Escalade meurtrière entre loyalistes et rebelles, montée du djihadisme, frappes américaines contre Al-Qaïda, menace de famine… le Yémen est plus éprouvé que jamais.

Depuis 2 ans, quasi-quotidiennement les avions de combat de la coalition menée par l'Arabie Saoudite mènent des raids en appui aux milliers de soldats engagés au sol avec chars, canons et artillerie lourdes contre les Houthis (chiites) et leurs alliés qui contrôlent toujours de larges territoires, dont la capitale Sanaa, qu'ils occupent depuis septembre 2014. Ils se disent prêts à résister jusqu'au bout…

Bien que chassé depuis 2 ans et demi de Sanaa, le président Abd Rabbo Mansour Hadi reste l'autorité légitime du pays mais il réside la plupart du temps à Riyad…

Le Yémen représente un enjeu est crucial pour l'Arabie saoudite, en tant que chef de file de l'islam sunnite. Ryad, cherche à contrer l'Iran, son rival régional accusé de soutenir les Houthis. Les pays du Golfe, notamment les Émirats, sont alliés à l’Arabie Saoudite et estiment agir en état de légitime défense contre la stratégie iranienne pour assiéger la péninsule arabique.

Le Yémen affronte ainsi la pire crise humanitaire au monde et une menace importante de famine, ont averti les Nations-Unies. Au Yémen, 17 millions de personnes sont en situation d'insécurité alimentaire, soit 60 % de la population. 462 000 enfants de moins de 5 ans souffrent de la forme la plus grave de malnutrition. Ils sont en danger de mort imminente, insiste le directeur expertise et plaidoyer d’Action contre la Faim.

Selon l'ONU, ce conflit où s’affronte en plus les influence religieuses de Ryad et Téhéran a fait au moins 7 500 morts, 42 500 blessés et 3 millions de déplacés depuis mars 2015.

Le Yémen est devenu un bourbier, résume Peter Salisbury, chercheur à l'institut Chatham House. Ce pays, le plus pauvre de la péninsule arabique, s'est fracturé à tel point qu'il est difficile de lui imaginer un avenir comme État unitaire viable, souligne-t-il.

Selon le médiateur de l’ONU, les belligérants refusent aujourd’hui toute négociation. Après l'échec de 7 trêves supervisées par l'organisation et l'ex-secrétaire d'État américain, John Kerry, aucun signe d'apaisement n’est en vue…

Que va décider la nouvelle administration américaine qui, sous la présidence de Donald Trump, semble mieux disposée vis-à-vis de l'Arabie que celle de Barack Obama ?

Jusqu'à présent, Washington fournit des armes à la coalition, l'assiste en ravitaillement aérien et en renseignements. Donald Trump pourrait décider d'accroître ce soutien afin d'envoyer un message de détermination à l'Iran mais toute précipitation engendrerait un réel risque que le conflit devienne hors de contrôle…, avertissent les experts.

La résolution 2216 des Nations Unies d'avril 2015 a notamment instauré un embargo sur les armes à destination des Houthis et de leurs alliés.

Ce qui s'est transformée en un blocus aérien et maritime empêchant la quasi-totalité des importations de produits de première nécessité, dont la nourriture.

Les restrictions sur le blé la principale cause de menace de la sécurité alimentaire car le Yémen importait environ 90 % de ses aliments avant le conflit. Les situations de famine risquent de se multiplier.

Les bombardements qui pleuvent chaque jour au Yémen témoignent d'un mépris absolu pour la vie des civils ! Nos équipes, quand elles peuvent parvenir aux populations, sont confrontées à la détresse physique et psychique de personnes traumatisées. Ce massacre à ciel ouvert est insupportable et indigne.

6 ONG* dénoncent l'utilisation massive et répétée des armes explosives dans des zones densément peuplées. Contraire au Droit international humanitaire, leur l'usage s'est accru dans les conflits contemporains au mépris des principes fondamentaux de la guerre. La guerre s'enlise au détriment des civils. Des troubles de santé mentale : psychoses, anxiété et stress post-traumatiques sont très souvent diagnostiqués, s'alarme le docteur Jean-François Corty, directeur des Opérations Internationales de Médecins du Monde.

Détruites notamment par la violence des affrontements, plus de la moitié des hôpitaux ou centres de santé du Yémen n'étaient plus en état de fonctionnement fin octobre 2016. Le choléra sévit, avec plus de 20 000 cas et près de 100 décès. Le système sanitaire, particulièrement affecté par le conflit, menace de s'effondrer. Les établissements sont également pénalisés par le blocus imposé et la crise financière du pays : l'approvisionnement, en médicaments et matériels médicaux, reste très difficile et le personnel n'est plus payé depuis des mois. La destruction partielle ou totale de nombreuses infrastructures : routes, ponts, aéroports, ports et des bâtiments publics, restreint considérablement les déplacements et l'acheminement du personnel et des moyens, ainsi que l'accès pour les Yéménites aux services de base.

L'enjeu majeur de l’accès humanitaire aux populations vulnérables, après 2 ans et demi de conflit, reste très limité, aucun des opposants ne facilitant la délivrance de l'aide..

Nous appelons la communauté internationale et les parties au conflit à intensifier leurs efforts pour améliorer cet accès toujours insuffisant, souligne Hélène Quéau, directrice des Opérations de Première Urgence Internationale.

De même, à l'issue d’une conférence de presse le 22 mars 2017, les 6 ONG* ont demandé que le blocus, empêchant les importations de nourriture et de médicaments, soit levé et que les droits des populations civiles soient respectés.


*Action contre la Faim, Care, Handicap International, Médecins du Monde, Première Urgence Internationale, Solidarités International.