Yola : les otages rescapés de Boko Aram

À Yola, dans le nord-est du Nigeria, 275 femmes et enfants délivrés des camps de Boko Haram ont été transportés au camp de Malkohi, en périphérie de la ville.

Des ONG étrangères sont présentes pour s’occuper des traumatismes des enfants.

Une équipe médicale spécialisée essaye de libérer la parole et tente de panser les blessures psychologiques des anciennes captives.

Victimes de sévices sexuels, elles ont aussi parfois été les témoins forcés du meurtre de leurs proches.

Une première session à huis-clos a réuni 30 aides médicaux, assistants sociaux et psychologues expérimentés. En tant que femmes, elles ont dû traverser différentes formes de violences… à maintes reprises !, insiste le psychologue Christian Macaulay Sabum.

http://v.alalam.ir/news/2015/05/04/alalam_635663561196389175_25f_4x3.mp4

Certaines femmes ressassent les horreurs endurées. Une autre sursaute rien qu’en entendant le nom de Boko Haram. D'autres encore refusent de sortir de leur chambre et se murent dans le silence. Ce sont elles qui sont le plus en danger, estime Régine Moussa, psychologue de l'Université américaine du Nigeria à Yola. Elle-même utilise son propre vécu pour comprendre la douleur de ces femmes : dans les années 90, durant la guerre civile en Sierra Léone, sa fille Nancy, âgée de 12 ans, a disparu pendant 3 ans.

J’ai traversé ce traumatisme explique–t-elle, je sais que cela va prendre du temps : 6 mois, peut-être un an, selon la profondeur du choc, surtout s’il a impliqué leurs enfants…

Certains groupes d'accompagnement se réunissent à l'extérieur, à l'ombre d'un arbre, d'autres à huis clos. Ils sont chargés de définir les besoins de chacune. Certaines femmes reçoivent des anti-dépresseurs et suivent des séances de thérapie psychologique. D'autres semblent aller bien : elles se disent heureuses et soulagées d'être enfin libérées. Mais il ne faut pas négliger l'ampleur du contre-coup, insiste Régine Mousa, le choc post-traumatique peut resurgir, notamment sous la forme de violents cauchemars ou de visions obsédantes.

Mohammed Bello, assistant social, a passé une matinée dans le camp de Malkohi, pour écouter les histoires de ces femmes. L'une d'elles lui a raconté comment ses 2 enfants étaient morts de faim et de soif sous ses yeux. Le plus grand hurlait pour réclamer de l'eau et de la nourriture. Le plus jeune était trop petit, pour se plaindre. Elle a dû enlever son tee-shirt pour couvrir le corps de ses enfants, restant nue jusqu'à sa libération, a-t-il témoigné. Une autre femme a expliqué comment sa sœur était morte en couches, ainsi que son bébé, alors qu'elle tentait d'accoucher sans assistance dans la brousse. Heureusement ces femmes ont pu s'échapper de la forêt de Sambisa, dans l'Etat voisin de Borno, où elles étaient prisonnières mais ces histoires vous brisent le cœur, résume M. Bello, bouleversé.

Grâce à une opération conjointe de l'armée nigériane et des armées des pays voisins Les localités du nord-est du Nigeria dont sont originaires les anciens otages ont presque toutes été reprises des mains de Boko Haram. Mais elles sont en ruines. Les rescapés ne savent pas combien de temps elles resteront dans le camp de Malkohi.

Les équipes soignantes font le maximum pour soulager les blessures physiques et  apporter un soutien psychologique mais les blessées sont nombreuses et les traumatismes profonds. Environ 700 femmes et enfants ont été libérés de la forêt de Sambisa entre fin avril et la première semaine de mai. Amnesty International évalue à plus de 2 000 le nombre de femmes et jeunes filles kidnappées depuis le début de l'année 2014.