Chine : A 77 ans, elle se dénude pour dénoncer la démolition de sa maison

Agenouillée et nue, Zhuang Jinghui, médecin chinoise, de 77 ans, hurle sur les escaliers du tribunal de Pudong, à Shanghai : Je ne suis pas folle, je suis désespérée !


Avec le développement de programmes de rénovation urbaine, les expulsions forcées sont devenues monnaie courante en Chine. Les compensations proposées sont bien au-dessous de la valeur du bien. Les propriétaires reçoivent parfois leur avis d’expulsion quelques jours avant d'être jeter hors de leurs maisons. En juin dernier, une femme de Pékin s’est immolée pour les mêmes raisons. Elle a survécu mais elle est défigurée. En 2010, un homme est mort après s'être lui aussi immolé.

Zhuang Jinghui a expliqué son calvaire et son combat à France 24 :

Quand j'ai pris ma retraite en 1992, j’ai transformé une partie de ma maison en clinique. Mon fils a également ouvert un magasin dans une autre partie de ma maison. En 2002, le gouvernement a décidé de rénover notre quartier. J’ai hésité longtemps avant de signer un contrat de vente. Mais j’ai été trompée, je n’ai pas reçu le niveau de compensation promis par les autorités chinoises. J’ai déposé un recours au tribunal que j’ai perdu. Mais j’ai décidé de continuer de me battre.

En 2004, ils ont envoyé des gens saisir ma maison. Je n’étais pas là ce jour-là, seule ma sœur était présente. Deux heures après leur intervention, j’ai reçu un coup de fil. Ma sœur était morte. J’étais choquée. J’ai vérifié le rapport d’autopsie : il était écrit que ma sœur avait été emmenée à l’hôpital après s’être évanouie, mais qu’elle était morte avant de recevoir des soins. Ils ont affirmé que ma sœur était déjà très malade alors que je sais qu’elle était en parfaite santé.
En 2008, malgré tous mes recours en justice, ils ont fini par démolir ma maison. Et pendant la démolition, j’ai été enfermée trois jours dans un hôtel. J’étais placée sous surveillance 24 heures sur 24, même aux toilettes. Quand ils m’ont libéré, ils m’ont donné 200 yuans [22 euros].
La Cour m’a forcé à m’engager dans un processus de conciliation avec le Centre pour la réserve foncière de Pudong, responsable de la démolition de ma maison. Je suis furieuse au sujet de cette conciliation. Le centre a promis de me donner 5 000 yuans chaque mois [566 euros] jusqu’à ce qu’ils me relogent. S’ils ne respectaient pas cet accord, ils étaient censés payer une amende. N’ayant plus d’économies, j’ai dû accepter cet accord. Au début, ils m’ont donné l’argent promis, mais au bout de quelques mois, les versements ont cessé. On me dit je dois être patiente mais rien ne se passe. La justice reste indifférente à mon sort.
Il y a trois semaines, je me suis dénudée puis agenouillée devant le tribunal de Pudong pendant une demi-heure. Ils ont dit que j’étais folle, ils ont menacé de m’interner. Mais je ne suis pas folle, je suis désespérée. La seule chose qui me soutient c’est l’espoir d’obtenir réparations. Pendant toutes ces années où j’ai dû me battre contre les tribunaux, je n'ai souvent eu que des biscuits au déjeuner.
Des fonctionnaires sont venus chez moi la semaine dernière. Ils m’ont dit que j’étais devenue célèbre sur Internet. Je leur ai dit que je ne savais pas qui était l’auteur de la vidéo. Ils m’ont intimé l’ordre de ne plus sortir et m’ont affirmé que le tribunal était en train d’examiner mon cas. On m’a demandé de me rendre au tribunal cette semaine. La police me suit partout, j’ai un peu peur. Mais je suis aussi en colère. Ma sœur a perdu la vie, ma maison a été confisquée et aujourd’hui je suis vieille. Mais grâce aux livres de droit que j’ai lus ces dernières années, je peux continuer à me battre.