Égypte : les feministes persécutées

La nouvelle Constitution de 2014 est censée accorder plus de liberté d’expression et de religion... et plus de droits aux femmes. De plus, le président al-Sissi avait décrété 2017, année de la Femme.

Mais l’Égypte continue d’appliquer implacablement une politique de muselage de la société civile, en mettant l’accent sur… les femmes !

Au final, ce n’est que de l’encre sur du papier ! Aucune de ces libertés fondamentales n'est respectée au quotidien. Et cela perdurera tant qu'un régime militaire ou religieux sera en place…  assure le regard acéré de Mona Eltahawy… L’auteure engagée qui vit aujourd’hui entre New York et l’Egypte, avait révélé avoir été agressée sexuellement au Caire en 2011.

Depuis avril, les ONG locales, qui n’ont plus le droit de publier ni sondages, ni études sans l’aval des autorités et peinent donc à se faire entendre. La répression contre les militantes féministes n’a jamais été aussi forte : 2 ans de prison à cause d’une chanson, c’est la peine dont la chanteuse Shyma, 21 ans, vient d’écoper pour atteinte aux mœurs. Son apparition dans le clip d’une de ses chansons a été jugée trop suggestive…

Début novembre, Doaa Salah, la présentatrice du Dody Show diffusé sur Al Nahar TV, était condamnée à 3 ans pour avoir évoqué le sujet de la grossesse hors mariage...  Tout le discours de Sissi n'est qu'hypocrisie ! fustige Mona Eltahawy. C’est avant tout un maréchal, un militaire de carrière, il est donc l’antithèse du féminisme, insiste l’écrivaine.

Emprisonner pour mieux museler

Malgré les risques les féministes ne renoncent pas et se battent pour leurs droits au quotidien. L’époque de la révolution a été marquée par un nombre important d’agressions sexuelles place Tahrir. Al Sissi faisait partie du Conseil supérieur des forces armées (2011-2012), avant de devenir chef des armées (2012-2014). Les droits des femmes ne pourront pas progresser en Égypte tant que les militaires, les dictateurs, les fondamentalistes religieux ou les Frères musulmans seront au pouvoir. L’émancipation des femmes ne peut venir que de nous, les féministes égyptiennes

Pour détourner l’attention la population de sa mauvaise gestion économique et l’insécurité qui règne du pays, l'État s’appuie sur les 3 piliers de la misogynie : l'État, la rue et le foyer. La majorité des Égyptiens vivent dans des conditions terribles, arrivant à peine à s'acheter le strict nécessaire… Avec la mort de plus de 300 personnes, le Sinaï a subi le mois dernier l'attentat le plus meurtrier depuis 2011.

Preuve de l’inefficacité de la politique sécuritaire de l’Etat. Toutes les libertés gagnées lors du soulèvement populaire, auquel les femmes ont largement contribué, sont menacées. Durant ce mouvement insurrectionnel, similaire aux révolutions française ou algérienne, elles se sont insurgées contre l’oppression aux côtés des hommes, risquant leur vie pour une société meilleure. Mais dès qu’une partie des revendications semble être obtenues, les hommes renvoient les femmes à la maison ! Il faut que cela change car tant que les femmes ne seront pas libres, la société ne sera pas libre non plus…

Tout cela se passe sous le regard indifférent de la communauté internationale !, dénonce encore Mona Eltahawy. La seule préoccupation de la France, des États-Unis, du Royaume-Uni, de l’Allemagne et bien d’autres encore… est de faire des affaires avec l'Égypte ! Notamment de leur vendre des armes… En échange, Sissi leur promet la stabilité et la paix. Mais cela n’est pas nouveau ! Les meilleurs amis de l'Égypte agissaient déjà ainsi Moubarak ou Mohamed Morsi. C’est une des pires erreurs car la stabilité ne peut pas venir d’une dictature, conclut-elle.