Crise de l'hébergement d'urgence : démission de Xavier Emmanuelli

Xavier Emmanuelli, président du Samu social de Paris depuis 2004, quittera ses fonctions en octobre prochain.

Confronté tous les jours à l'impuissance avec ses équipes : 115 saturé, pénurie d'hébergement, absence de solution à proposer aux personnes en détresse, malgré 40 ans d'expérience en médecine d'urgence et action humanitaire, il jette l'éponge.

Après Médecins sans Frontières en 1971, il avait fondée la structure d'aide aux sans abris en 1993 avec Jacques Chirac. Il dénonce aujourd'hui avec indignation une situation budgétaire ingérable en raison de la diminution des financements publics de 3,3% annoncé en mai alors que le nombre de personnes démunis ne cesse d'augmenter.

La situation critique de l'hébergement d'urgence alarme toutes les associations concernées.

Pour Christophe Robert, directeur des études de la Fondation Abbé Pierre, le départ de X. Emmanuelli rajoute de l'inquiétude à notre inquiétude déjà forte… De son côté, la Fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale (Fnars) évoque une chute de 28% des crédits alloués aux équipes mobiles qui assurent les maraudes auprès des SDF, un plongeon de 30% des fonds dévolus aux accueils de jour et au numéro d'urgence 115.
Sur le terrain, les associations disent jongler pour faire face : réduction du nombre de places d'hébergement, diminution des horaires d'ouverture des centres, fermeture de points d'accueil, mais aussi licenciements de salariés, non-remplacement de départs en retraite.
Symbole de la crise, le Samu social de Paris, pour lequel le nombre de nuitées financées à l'hôtel est amputé de 25%, a fermé le 30 juin son seul centre d'hébergement parisien, vétuste. Débordé, il a déjà orienté cet été 111 familles vers les services d'urgence des hôpitaux d'Ile-de-France, selon une étude de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) dont l'AFP a obtenu copie mercredi.
A l'association Aurore, heureusement forte d'un budget de 60 millions d'euros, il va manquer 80 000 euros sur quatre centres parisiens, et les 400 repas chauds distribués chaque jour risquent de disparaître au 30 septembre.

La diminution des crédits de l'Etat à l'hébergement est le fruit d'une nouvelle politique impulsée en 2009, le Logement d'abord, inspiré d'expériences anglo-saxonnes, qui privéligie l'accès au logement des personnes sans domicile, sans passer par la case de l'hébergement d'urgence, très coûteux. Les crédits sont ainsi pour partie réorientés vers le financement de logements, dans un système d'intermédiation locative, où une association joue le rôle de tiers entre le bailleur et l'occupant pour assurer le paiement des loyers.
Une nouvelle stratégie motivée par l'explosion du nombre de personnes sans domicile personnel : plus de 680 000 en France en 2010 selon la Fondation Abbé Pierre, dont 133 000 SDF, et 13 000 places d'hébergement manquantes rien qu'en Ile-de-France. Leur profil a aussi très largement évolué : aux sans-abri solitaires à la rue depuis des années, sont venus se joindre des sans-papiers, des travailleurs pauvres, vivant très souvent en famille.

Personne n'est contre, bien sûr !  Mais le gouvernement met la charrue avant les bœufs, dénoncent à l'unisson les associations : avant de supprimer des places d'hébergement, il faudrait déjà mobiliser suffisamment de logements.
Or, la réalité, c'est qu'il n'y en a plus de disponibles, que l'intermédiation locative reste embryonnaire, et qu'il faudra des années pour rattraper le retard accumulé, rappelle Christophe Robert de la Fondation Abbé Pierre

Samedi à Paris, une centaine de salariés du Samu social et de militants associatifs sont partis en début d'après-midi de l'Hôtel de Ville vers le ministère du Logement, pour protester contre les restrictions budgétaires et un désengagement des pouvoirs publics face aux situations d'urgence sociale.


Au lendemain de cette manifestation, La Ville de Paris a déclaré soutenir pleinement la mobilisation des agents du Samu social et demandé la réouverture immédiate des 5 000 places d'hébergement en hôtel social dédiées à l'accueil d'urgence des familles sans abri et supprimées par l'Etat ainsi que le lancement d'un programme régional de création de places réparties de manière équilibrée sur l?Ile-de-France. La situation est très grave : 15 000 personnes seront remises à la rue fin août si l'Etat ne rétablit pas immédiatement le budget d'accueil hôtelier du Samu Social ! Alors qu'il manque déjà 13 000 places d'accueil sur la région, le gouvernement a décidé la suppression de 5 000 nuitées hôtelières par jour dédiées aux familles sans abri en Ile-de-France (-3 500 sur Paris) et la réduction de 25% des crédits d'hébergement d'urgence du Samu Social, insiste Le communiqué de la Mairie de Paris, qui déplore également le cynisme avec lequel le gouvernement s'exonère en toute impunité de ses obligations légales et bafoue les droits fondamentaux des plus démunis. Ces mesures scandaleuses ont des conséquences dramatiques pour les familles en grande difficulté qui sont remises à la rue avec leurs enfants ou placées dans les urgences hospitalières.