Bouches-du-Rhône : procès Schembri, 30 ans de calvaire pour Colette

A partir de ce lundi, René Schembri, enseignant à la retraite de 71 ans, comparaît devant les assises des Bouches-du-Rhône pour tortures et actes de barbarie envers Colette, son épouse. Décrit comme pervers, il devra rendre compte des sévices qu'il a infligés à sa femme. Elle a tenté deux fois de se suicider avant de parvenir à s'enfuir, puis d'oser porter plainte, en 2009 seulement …

L'enfer a commencé dès le début de leur vie commune, en France et en Afrique, dans les années 1970 mais la prescription est de dix ans. Les jurés ne devront juger l'accusé que pour les seuls actes commis entre 1999 et 2002, soit 3 années... sur 30, explique Me Laurent Epailly, l'avocat de Colette.

Entre leur rencontre à Paris 1969 et sa fuite du domicile conjugal en 2002, Colette a raconté aux enquêteurs son quotidien de violence et d'humiliation, qui ont causé de graves et multiples séquelles physiques : perte de dents, ablation de muscles du bras, cécité de l'œil gauche, mutilation du sexe, atrophie d'une lèvre et déformation nasale !

Durant les premières années, Colette avait tenté de partir… sans y parvenir. Son mari, excessivement jaloux, usait de manipulation psychologique et la tenait prisonnière :

En Afrique, il lui avait fabriqué un faux diplôme pour qu'elle enseigne et lui faisait vendre des gâteaux sur les marchés, lui prenant tout l'argent qu'elle gagnait, raconte Maître Epailly. Il dirigeait sa vie, explique-t-il. En 2002, à peine opérée d'une greffe de la bouche, Colette est de nouveau battue. Tu es moche, tu pues, tu ne ressembles à rien, avait alors lancé René, raconte Me Epailly.

C'est la phrase de trop, le déclic, l'ultime sursaut : Colette prend définitivement la fuite. En 2005, le divorce est prononcé aux torts exclusifs de l'ex-mari. En 2009, une information judiciaire a été ouverte pour faits de tortures et actes de barbarie commis entre juin 1999 et juillet 2002 ayant entraîné une invalidité permanente de 30%. 8 expertises médicales décrivent sans appel des plaies d'origine traumatique : coups de poing, coups de nerf de bœuf ou autre objet contondant.

René Schembri a toujours nié les faits, imputant la plupart des blessures à... des accidents domestiques. Mais sa fille aînée témoigne contre lui. Elle a affirmé aux policiers, avoir assisté à de nombreuses reprises aux violences exercées par son père et avoir été elle-même violée.

Il est placé en détention provisoire, puis sous bracelet électronique durant deux ans. En raison d'actes extrêmement violents à l'encontre d'un conjoint en état manifeste de faiblesse psychique et de dépendance psychologique, le parquet de Montpellier a requis le renvoi en cour d'assises et non en correctionnelle. L'avocat de Colette entend contester la prescription et demander la requalification de certains des actes de violence. L'enquête révèle des actes sexuels non consentis, je demande qu'ils soient reconnus comme viols, a-t-il indiqué.

Juridiquement, requalifier ces faits est impossible, rétorque Me Frédéric Monneret, avocat de René Schembri Pour lui, il s'agit moins du procès de violences conjugales que celui d'une relation sado-masochiste entraînée dans une spirale infernale, insiste-t-il, s'appuyant sur le rapport d'une certaine psychologue, effarée par le comportement de consentement de Colette à tout ce qu'elle a subi, pour dénoncer l'attitude passive de l'épouse… Néanmoins si les faits sont établis, il sera avéré que René Schembri est bien un pervers, reconnaît l'avocat.

Dans le bureau de Me Laurent Epailly, Colette raconte calmement son cauchemar sur BFM TV : J'ai perdu mon œil à cause d'une gifle… j'ai perdu presque toutes mes dents. J'ai quand même vécu en Afrique pendant 19 ans, la plupart du temps en brousse. Impossible de s'échapper. De toute manière, je ne pouvais pas m'enfuir, je n'avais pas d'argent ! Et malgré des prescriptions… l'ouverture d'un procès est déjà une victoire pour Colette : Je ne suis pas là par vengeance, ni par haine, ni pour avoir de l'argent… Je veux une reconnaissance de la Justice… Il faut porter plainte dès les premiers coups, veut transmettre Colette, à toutes les femmes battues.