Chambéry : Des poches alimentaires contaminées par une bactérie mortelle. 3 nourrissons décédés

Trois nourrissons, dont deux prématurés sont morts les 6, 7 et 12 décembre 2013. Ils présentaient les signes d'un choc septique, un trouble grave de la circulation sanguine dû à une infection. Un quatrième bébé atteint d'une dégradation brutale de son état général a pu être sauvé in extremis.

Des poches de nutriments**, fournies par un laboratoire extérieur et utilisées pour nourrir des enfants par perfusion, ont été contaminées par une bactérie mortelle, a indiqué Guy-Pierre Martin, directeur du centre hospitalier de Chambéry. Le quatrième enfant n'était pas dans le service de réanimation qui avait été fermé du 12 au 20 décembre, afin de désinfecter les lieux après les trois décès», a expliqué le directeur de l'hôpital. Les médecins ont tout de suite fait le rapprochement et la poche alimentant ce bébé nous a permis d'identifier un germe, a-t-il ajouté.

Les familles des petites victimes sont originaires de Haute-Savoie. Elles ont déposé plainte pour homicide involontaire envers l'hôpital le 23 décembre. On a gâché nos vies, s'insurgent-elles. Le parquet a ouvert une enquête préliminaire et les premières auditions ont débuté ce lundi.

Selon le père d'un des nourrissons, les poches contaminées venaient d'un lot de 137 poches, dont 102 ont été détruites ou utilisées. Le nombre de poches contaminées est inconnu à ce jour, a assuré le parquet. Ces produits ont une durée de péremption assez courte, a expliqué la vice-procureure. Certaines ont été utilisées et n'ont rien provoqué, a-t-elle ajouté. Deux autres enfants ont reçu des poches du même lot mais n'ont pas présenté de symptômes cliniques, a souligné l'hôpital.

L'enquête porte sur une éventuelle contamination par des poches alimentaires pour alimenter les enfants par perfusion, a déclaré Fabienne Moulinier, vice-procureure à Chambéry. Les enquêteurs devraient notamment se tourner vers le laboratoire qui les fabrique, ainsi que vers le service qui assure leur livraison pour savoir d'où peut venir la contamination. Il y a plein d'intervenants sur la chaîne.

Quand, comment et par quoi ont été contaminées ces poches ? Pour l'instant, on l'ignore, a résumé la magistrate, précisant que la contamination n'était pas liée à un acte volontaire. On n'est pas certain à ce jour que la responsabilité de l'hôpital soit établie. Il faut remonter toute la chaîne de production de ces produits et faire des analyses. C'est une enquête très technique et qui va demander du temps, a-t-elle précisé.

Des analyses bactériologiques ont été confiées à un laboratoire désigné par l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM). Les résultats sont attendus dans les prochains jours.

Le directeur de l'hôpital a fait savoir samedi que les produits mis en cause venaient d'un laboratoire français. Mais a refusé d'en dévoiler le nom. Nous avons décidé de porter plainte contre X car les responsabilités peuvent se situer à divers endroits de la chaîne et pour que toute la lumière soit faite sur ces décès, a-t-il annoncé. L'hôpital assumera sa propre responsabilité dans cette affaire, a ajouté Guy-Pierre Martin. De son côté la ministre de la Santé, Marisol Touraine, a assuré que tous les lots de poches de nutriments mises en cause avaient été retirés. ll n'y a plus dans les hôpitaux, de produits semblables à ceux qui ont été utilisés à Chambéry, a-t-elle souligné, parlant d'un accident gravissime qui justifie la mobilisation de toutes les autorités sanitaires et exprimant sa solidarité et sympathie aux familles qui ont perdu leur enfant.

La ministre de la Santé a confirmé ce dimanche que le laboratoire en question était parfaitement identifié mais ne désirant pas se prononcer avant les conclusions de la justice. Nous ne pouvons pas incriminer la fabrication ou la composition. C'est toute la chaîne, jusqu'à l'administration qui fait l'objet d'enquêtes multiples, a-t-elle déclaré. 

** Les poches alimentaires sont utilisées pour nourrir par perfusion les bébés dont les réserves sont insuffisantes (prématurés, faible poids de naissance ou malades). La nutrition intraveineuse fournit ainsi des micro et macro-nutriments essentiels à la croissance, des apports en eau et en énergie sous forme de glucose (sucre), et de lipides (graisses). L'enfant peut recevoir également des vitamines, des oligo-éléments (zinc, fer, cuivre...) et des minéraux (calcium, sodium, potassium...). Une surveillance clinique (hydratation, rythmes cardiaque et respiratoire, évolution du poids...) constante est nécessaire.