Chypre : le parlement refuse le plan européen de taxe sur les dépôts bancaires

A Nicosie, le Parlement a rejeté mardi soir le plan de sauvetage européen après le tollé de la population qualifiant de terrorisme financier le projet de taxe sur les dépôts bancaires.

Le président du Parlement Yiannakis Omirou a annoncé : la réponse ne peut être que Non au chantage. Cette décision n'est rien qu'une razzia sur les fonds bancaires. La proposition n'a obtenu aucun vote positif. 36 députés ont voté contre. Les 19 abstentions proviennent toutes du parti de droite Disy, celui du président Anastasiades.

L'annonce de ce résultat a été accueillie par l'explosion de joie de milliers de manifestants devant le Parlement où ils s'étaient réunis pour dire Non : Chypre appartient à son peuple, a scandé la foule. Parce que nous sommes petits, ils ont cru qu'ils pouvaient faire ça

avec nous. Mais Chypre ne veut pas être un cobaye pour l'Europe, a témoigné un chômeur de 28 ans.

Elu il y a à peine un mois, le chef de l'Etat chypriote, Nicos Anastasiades a dit respecter le vote du parlement et avoir eu un entretien téléphonique qualifié de constructif avec le président russe Vladimir Poutine à la veille de discussions de son ministre des Finances Michalis Sarris à Moscou, la taxe prévue pouvant coûter des milliards d'euros aux fortunes russes placées dans les banques de l'île. Une réunion d'urgence avec les responsables de partis chypriotes est en cours ce mercredi matin pour examiner des plans alternatifs. Les banques, fermées depuis samedi, le resteront jusqu'à jeudi. La Bourse a annoncé la suspension de ses échanges mardi et mercredi.

Les dirigeants de la zone euro ont immédiatement réitéré leur offre de lundi, celle qui consiste à ne plus taxer les dépôts inférieurs à 100 000 euros : l'Eurogroupe est prêt à aider Chypre dans ses efforts de réforme, a déclaré dans un communiqué son président Jeroen Dijsselbloem tout en estimant que le plan d'aide ne pouvait dépasser 10 milliards d'euros pour ne pas rendre la dette du pays ingérable. Un autre responsable européen a déclaré que la zone euro attendait désormais une contre-proposition de la part de Chypre. La Banque centrale européenne (BCE), à la table des négociations avec l'Union européenne et le Fonds monétaire international (FMI), semblait indiquer que la porte n'était pas encore fermée à une renégociation en affirmant qu'elle fournirait autant de liquidités que nécessaire… Wolfgang Schäuble, ministre des Finances allemand, a pris acte avec regret du rejet du plan. Chypre étant seule responsable des problèmes dus à son système bancaire complètement surdimensionné, il n'y avait pas d'autre solution que de le restructurer, a-t-il résumé.

Chypre a, en effet, demandé une aide européenne en juin. Au bord de la faillite, le pays a besoin de 17 milliards d'euros pour faire face à sa dette. En contrepartie d'un prêt de 10 milliards d'euros de la zone euro et du FMI, le plan de sauvetage prévoyait un prélèvement exceptionnel de 6,75% sur tous les dépôts bancaires de 20 à 100 000 euros et de 9,9% au-dessus. Cette mesure devait rapporter 5,8 milliards d'euros.

La crise chypriote, qui a avivé les tensions dans la zone euro, a secoué également les places financières mondiales. La Bourse de Paris a reculé de 1,30% mardi, déstabilisée nombre d'investisseurs conduit à vendre leurs positions.

L'annonce d'une taxe de 9,9% sur les dépôts de plus de 100 000 euros a provoqué une onde de choc en Russie. En effet, cette mesure représentait une menace pesant en milliards d'euros sur fortunes russes et elles représenteraient jusqu'à 40% des avoirs bancaires de Chypre… Le ministre russe des Finances, Anton Silouanov, a regretté une décision prise sans concertation et menacé de revenir sur sa proposition d'assouplir les conditions du crédit de 2,5 milliards d'euros accordé à Nicosie en 2011. Vedomosti croit savoir que la banque russe Gazprombank, appartenant pour 41% à Gazprom), a proposé un aide financement à Chypre en échange de licences de production de gaz naturel : de colossales ressources en hydrocarbures ont été découvertes au large de ses côtes méridionales…

En raison d'une fiscalité avantageuse, Chypre a été longtemps considérée comme un paradis autant fiscal que touristique. Mais l'image de lessiveuse à profit corrompu continue d'entâcher sa réputation… jusque dans les dépliants des voyagistes.