Etats-Unis : 200 personnes contre l'expulsion d'une Mamie à Brooklyn

Tout le quartier s'est mobilisé pour empêcher l'expulsion de Mary Lee Ward.

Le 19 août dans la matinée, près de 200 personnes se sont rassemblées sur le trottoir devant le 320 Tompkins Avenue à Brooklyn. Nous ne bougerons pas. Ensemble nous nous battrons. Nous voulons le droit au logement ! Ce jour-là, le comité de soutien a gagné : l’huissier de justice a renoncé !


Depuis que sa maison a été vendue aux enchères il y a trois ans, cette grand-mère de 82 ans est menacée de se retrouver à la rue. Elle subit les conséquences de la crise des subprimes. Depuis l'été 2007, ces crédits hypothécaires pernicieux ont privé des milliers d'Américains de leur maison, victimes de prêteurs aux pratiques illégales.
Selon le New York Times, l’agence fédérale qui supervise le marché des prêts hypothécaires aux États-Unis allait porter plainte contre plus d'une douzaine de grandes banques. Ces organismes sont accusés d'avoir donné une image trompeuse de la qualité des prêts hypothécaires regroupés et vendus aux investisseurs durant la bulle immobilière.
En 2008, Mary Lee Ward a reçu un avis d’expulsion, mais ses soucis ont commencé dans les années 1990. Engluée dans une bataille judiciaire pour obtenir la garde de son arrière petite-fille, la grand-mère avait besoin d’argent pour payer un avocat. Elle a donc décidé, en 1995, d’hypothéquer sa maison à hauteur de 82 000 dollars (57 000 euros).
Son avocate, Karen Gagamelli, qui a fait une demande au procureur général pour enquêter sur ces sociétés frauduleuses, explique comment elles ont spéculé sur sa dette.
Au début des années 1990, un organisme de prêt immobilier aux pratiques peu scrupuleuses, Delta Funding, trouvait une grande partie de sa clientèle dans les quartiers new-yorkais les plus populaires, comme le Queens et Brooklyn. Delta Funding promettait à ses clients l’impossible. Un jour, Mary Lee Ward a donc reçu un courrier de Delta Funding disant que la société s’engageait à résoudre tous ses problèmes.
Elle devait recevoir la somme de 82 000 dollars pour l’hypothèque de sa maison, elle en a reçu 1000. Elle a alors multiplié les démarches, auprès du procureur de la ville et du Département de New York en charge du logement et du développement. Des gens l’ont aidé à écrire une lettre demandant l’annulation du prêt. La société a accusé réception de ce courrier mais elle n’a jamais annulé l’emprunt. Entre temps, la société Delta a dû mettre la clé sous la porte à cause de ses pratiques frauduleuses, mais l’hypothèque de Mary Lee Ward a continué de courir. Elle a été rachetée successivement par plusieurs banques.

L’expulsion de Mary Lee Ward est totalement illégale :

alors qu’une demande d’annulation avait été émise, l'emprunt n’a jamais été résilié. D'autre part, la dette est passée d’une société financière à une autre sans que le détenteur de l'emprunt soit mentionné. Or, la loi stipule que ce document est indispensable pour saisir un bien immobilier.

L’histoire de Mary Lee Ward est un symbole de la cupidité bancaire, un exemple des dérives financières qui ont eu des répercussions désastreuses.
Je voulais sauver mon arrière petite-fille qui allait être adoptée illégalement. Cela fait 18 ans maintenant et je ne l’ai jamais vue. Mais je n’avais pas assez d’argent pour défendre mon affaire, raconte-elle. J’ai vite compris que je ne pourrais pas rembourser l’emprunt, c’est pourquoi j’ai décidé de l’annuler au bout de 24 heures. Alors quand on m’a annoncé que ma maison allait être saisie en 1996, j’ai frappé à toutes les portes, j’ai tout essayé.
Heureusement, grâce à tous ceux qui me soutiennent, j’espère pouvoir garder ma maison et avoir un endroit pour l'accueillir un jour, ajoute t-elle émue.
Mary Lee Ward doit aujourd’hui 200 000 dollars (140 000 €), répartis entre les intérêts de l’emprunt, les frais d’avocats et des arriérés d’impôts. Sa maison a été vendue aux enchères en 2008 et achetée 345 000 dollars (242 000 €).