Egypte : plébiscite attendu pour la nouvelle Constitution

Plus de 50 millions d'électeurs égyptiens* étaient appelés à se prononcer ces 14 et 15 janvier sur la nouvelle Constitution.

Après la fermeture des bureaux de vote, le porte-parole de l’armée a publié un communiqué pour remercier les foules de votants d’avoir pris part à la bataille héroïque du référendum.

Une large victoire du oui est plus que probable mais le pouvoir espère un taux de participation de plus de 50 % pour légitimer la candidature à la présidentielle du général Sissi, en avril prochain.

Abdel Fattah al-Sissi, vice-Premier ministre et chef de l'armée égyptienne qui a destitué le président Mohamed Morsi, a en effet déclaré samedi qu'il serait candidat si le peuple le réclame et si l'armée le soutient. Son portrait apparaît sur les affiches électorales en faveur de la Constitution placardées dans tous le pays. Mercredi soir, le ministère de l'intérieur estimait que le taux de participation pourrait dépasser les 55 %  et que 95 %  des votants auraient approuvé la Constitution.

Ces six derniers, une large majorité d'Égyptiens semble s'être rangée derrière un pouvoir qui a destitué et arrêté Mohamed Morsi, premier président démocratiquement élu en Egypte, issu des Frères musulmans. Le parti a été déclaré organisation terroriste le 25 décembre et désormais interdit. Le gouvernement réprime d'ailleurs par la force et dans le sang toute manifestation de ses partisans. Depuis le coup de force du 3 juillet 2013, plus d’un millier de manifestants pro-Morsi ont été tués par les forces de l’ordre et plusieurs milliers de Frères musulmans arrêtés, dont la quasi-totalité de leurs dirigeants qui encourent la peine de mort comme Mohamed Morsi lui-même.

Les attentats contre les forces de l’ordre se sont multipliés, quasiment tous revendiqués par des mouvements jihadistes liés à Al-Qaïda mais attribués par le pouvoir aux Frères musulmans. Malgré cela, les militants pro-Morsi ont appelé au boycott le référendum en se rassemblant sur le parvis des mosquées et devant les universités. Aucune campagne n’a été menée pour le non…

Pour assurer la sécurité du scrutin, le gouvernement avait annoncé le déploiement de 160 000 soldats et de 200 000 policiers. Une bombe de faible puissance a explosé au Caire avant l'ouverture des bureaux de vote. Neuf personnes sont mortes mardi et plus de 350 ont été arrêtées en 2 jours, pour avoir perturbé le scrutin

Selon Dan Murphy, le directeur de Democracy international, ONG à financements américains, d'un point de vue technique, le vote s'est déroulé normalement…Mais les observateurs indépendants étaient peu présents. Les organisations des droits de l'Homme ont dénoncé un climat de haine et d'intimidation entretenu par les médias égyptiens, notamment gouvernementaux.

La nouvelle Constitution égyptienne

a pour but de renforcer la prépondérance de l'armée. Exemple : Parlement et gouvernement n'ont aucun mot à dire ni aucun contrôle sur son budget Pour les deux prochains mandats présidentiels au moins, le ministre de la défense sera obligatoirement un militaire, nommé en accord avec l'état-major. Un article prévoit qu'aucun civil ne peut comparaître devant des juges militaires, sauf en cas d'attaque directe contre les forces armées, leurs équipements et leur personnel. Formulation jugée trop vague, par les défenseurs des droits de l'Homme. L'article 2 fait toujours de la loi islamique la source de la législation, mais l'article 219 de la Constitution précédente, qui ouvrait la voie à une islamisation de la législation a été supprimé. Les islamistes étaient exclus de la commission qui a rédigé ce texte. Les partis fondés sur la religion seront d'ailleurs interdits. La Constitution rédigée après la chute de Moubarak en 2011 établissait un régime parlementaire. La nouvelle version redonne plus de pouvoirs au président, notamment les nominations aux quatre ministères régaliens. Toutefois, le Parlement a le droit de lui retirer sa confiance. Par ailleurs, une multitude d'articles très détaillés fixent, de manière assez inhabituelle, les droits et devoirs de catégories spécifiques, comme les pêcheurs, les nains, les scientifiques, les artistes... Enfin, La Constitution stipule la stricte égalité entre l'homme et la femme dans tous les domaines : civils, politiques, économiques, sociaux et culturels.

La Constitution élaborée sous les Frères musulmans en 2012 avait recueilli 64% de oui mais seulement 33% des électeurs s’étaient déplacés.

*82 millions d'habitants (chiffres 2012)