Procès du Mediator : Irène Frachon à la barre…

Je suis inconsolable, comme les victimes…, témoigne Irène Frachon à l'audience de ce 16 octobre lors du procès du Médiator qui a commencé le 23 septembre.

Des victimes ne pourront pas parler ici, parce que Servier a acheté leur silence.

La pneumologue du CHU de Brest (29) a révélé ce scandale sanitaire en 2010*. J’espère que ce procès, tardif, sera utile pour protéger les patients face au laboratoire, déclare-t-elle.

Au-delà de leur indemnisation, j’attends que la justice soit rendue pour les victimes. On ne peut pas vivre dans une société où la criminalité en col blanc resterait impunie ! affirme Irène Frachon. 

Le criminel à col blanc, c’est quelqu’un qui présente toutes les marques de la respectabilité. Pourtant, il commet des actes délictueux pouvant aller jusqu’au décès de personnes… s'indigne-t-elle. C’est cela que devra juger le tribunal lors de ce procès, résume la pneumologue.


Sans oublier la rigueur de scientifique, c'est à eux qu'elle pense lorsqu'elle dépose à la barre. Face au tribunal correctionnel de Paris, ce 16 octobre, Irène Frachon parle ainsi pendant près de 4 h…

Afin d’expliquer, démontrer, retracer, contextualiser, le plus rapidement possible, car le temps presse, elle enchaîne les nombreux détails techniques pour appuyer ses propos. J'ai échappé de très peu à la tromperie de Servier, conclut-elle. Cela a tenu à un fil ! insiste-t-elle, saluée par des applaudissements retentissants.

Non, Non, Non ! fustige aussitôt la présidente du tribunal. Nous sommes dans une enceinte de justice, pas au spectacle, rappelle-t-elle avant de menacer de faire évacuer la salle.


Votre admiration pour Madame Frachon doit rester interne, intime-t-elle aux parties civiles. La plupart sont des victimes du Mediator. Et elles estiment devoir seul salut à la pneumologue.

Irène Frachon les appelle par leur prénom. Parce qu’elle les connaît… Le destin de la lanceuse d'alerte et celui des victimes de l'antidiabétique prescrit comme coupe-faim sont intimement liés. Aujourd'hui encore, Irène Frachon reçoit de nombreux appels, courriels et parfois même des… bouquets de fleurs.

Marie-Claude venait de mourir…

En photo, sur le grand écran blanc de la salle d’audience : 2 cœurs rouges ouverts… A gauche un cœur normal, à droite l’image du cœur de Marie-Claude, une patiente décédée après 6 ans de prise de Mediator.

Sur la première, la valve mitrale, la charnière entre oreillette gauche et ventricule gauches du cœur, expose la pneumologue. Puis en s'attardant sur le cœur de Marie-Claude, elle souligne les différences. Ici, la valve mitrale, est monstrueusement déformée, en large parachute, montre-t-elle. Et, même l’œil novice peut le constater… La gangue fibreuse, énorme, rendait son cœur totalement inefficace, explique Irène Frachon.

Puis, elle se souvient de ce moment où, en 2008, elle descend au bloc opératoire et assiste aux opérations afin de photographier les valves cardiaques… Recherches, collecte de dossiers, recoupements, échanges avec ses pairs...

Avec d'autres médecins, Irène Frachon recense des cas d'hypertension artérielle pulmonaire et de valvulopathies chez des patients sous Mediator, Un article scientifique, rédigé à la fin 2008, parait l'année suivante. J'ai eu le sentiment d'être traquée, alors que je ne faisais que mon travail, se rappelle-t-elle.

Début 2009, Irène Frachon étudie un listing de valvulopathies parmi les patients du CHU de Brest. Signalés comme diabétiques obèses surpoids, ils sont susceptibles d’avoir été traités au Benfluorex, le composant moléculaire du Mediator. C'était comme chercher une aiguille dans une meule de foin… reconnait-t-elle.

Cependant, je découvre à chaque fois les mêmes récits ! Des femmes qui s’étouffent, hospitalisées pour des œdèmes pulmonaires, de l'asthme cardiaque. Les œdèmes flashs, c’est comme une crue, la crue de la Seine, ça déborde, elles crachent de la mousse, raconte la pneumologue.

Et, je suis tombée de l’armoire ! J'ai compris ce qui se passait…, résume Irène Frachon.


Face à la révélation de ce scandale, l’opinion publique a été effarée ! Notamment par l’incapacité des pouvoirs publics à déjouer ce que j’appelle un attentat sanitaire perpétré par un industriel sans scrupule, résume la pneumologue.

Un jugement exemplaire pourrait enverrait un signal fort, nécessaire pour retrouver confiance dans l’industrie pharmaceutique, les médicaments et l’efficacité des autorités de santé, assure-t-elle.

 

* Son livre : Mediator, combien de morts ?