Espagne : Si nous nous arrêtons, le monde s’arrête, disent-elles

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Afin dénoncer les discriminations envers les femmes, notamment les écarts de salaires, les associations féministes espagnoles ont appelé à une grève générale ce 8 mars.

Près d’une centaine de rassemblements sont organisés à Madrid, dont une grande manifestation à 19 h. De même à Barcelone et des dizaines de villes espagnoles.

Malgré les progrès consentis depuis en 20 ans, les Espagnoles sont toujours payées 15 % de moins que les Espagnols… Pour la première fois dans l’histoire, elles sont soutenues par les syndicats, ce qui donne une portée légale à la mobilisation qui s’inscrit dans le cadre d’un mouvement international touchant des dizaines de pays.

Déjà une victoire…

Comisiones Obreras et UGT, organisations majoritaires ont appelé à des arrêts de 2 h tandis que le CNT et CGT minoritaires ont convoqué officiellement à une grève de 24 h.

La première grève féministe d’Espagne pour la défense des droits des femmes fait la Une  de la presse de ce 8 mars. Ce 20 février, Podemos (Gauche radicale) a soumis une proposition de loi sur l’égalité des revenus des femmes et des hommes. Ce 7 mars, le PS a proposé un texte sur l’égalité de traitement et des chances et Ciudadanos (parti libéral) pourtant opposé à la grève a annoncé la création d’un groupe de travail au Parlement catalan pour lutter contre la fracture salariale et la précarité dont souffrent les femmes.

De son côté, le Parti populaire, dont plusieurs élus avaient suggéré une grève à la japonaise : en travaillant encore plus…,  a dû rectifier sa position. En s’affirmant respectueux des grévistes, le PP a rappelé qu’il avait augmenté le congé paternité de 13 jours à 4 semaines en 2017 et qu’une loi interdit déjà qu’un homme soit mieux payé qu’une femme à travail égal.

Selon la Fondation des études d’économie appliquée (Fedea), la fracture salariale s’est réduite de 33 % depuis 2002. Mais, les derniers chiffres d’Eurostat estiment l’écart encore à 14,9 %.

Les syndicats rappellent que les femmes occupent 62 % des CDD et 74 % des emplois à temps partiel, et que leur salaire moyen est inférieur de 23 % à celui des hommes. Les femmes ont les retraites les plus faibles, les emplois les plus précaires. De plus, elles réalisent encore l’essentiel des tâches domestiques…

Les mesures pour dénoncer les violences faites aux femmes et accompagner les victimes ont abouti à une baisse sensible du nombre de femmes décédées du fait de leur conjoint ou leur ex mais 44 femmes ont encore été assassinées en 2016… 5 femmes assassinées par leurs conjoints en 72h, a titré ABC, quotidien espagnol conservateur, ce 23 février 2018.

Elles sont trop souvent mise en cause et/ou culpabilisées quand elles posent plainte pour viol, et près de 1 000 ont été assassinées en 14 ans, fustige Ruth Caravantes, porte-parole de la commission 8M, qui regroupent différents mouvements féministes et a publié le manifeste Stopper le monde pour exiger l’égalité des droits et des conditions de vie.

Selon un sondage paru El Pais le 6 mars, 82 % des Espagnols estiment que la grève est justifiée. Une grève des travailleurs, des étudiants, des soins aux enfants ou aux personnes âgées dépendantes et, même de la consommation !

Cette grève est une façon d’interpeller notre voisin, notre collègue, notre chef ou le gouvernement… estime Ruth Caravantes. Il ne suffit pas qu’il y ait de nouvelles lois, il faut transformer la société, assure-t-elle.

Artistes, scientifiques, universitaires ou journalistes se sont unies au mouvement de grève. Nous en avions marre de nous retenir de nous plaindre, résume Eva Belmonte, journaliste et porte-parole. L’arrêt a été signé par plus de 7 000 femmes de la profession. Nous avons les mêmes problèmes : écarts de salaire, accès restreint aux postes d’encadrement et de direction, harcèlement et précarité. De surcroît, les femmes sont sous représentées dans les médias, dénonce-t-elle. Trop peu de tribunes leur sont confiées, trop peu de place leur est laissée dans les débats politiques, cite-t-elle en exemples.

Nous avons besoin de mesures du gouvernement et du patronat pour lutter contre les inégalités salariales, pour faciliter la conciliation entre vie familiale et professionnelle ou pour valoriser le travail à la maison…, détaille Lola Santillana, responsable de l’emploi et la qualification professionnelle. Il doit investir dans des plans d’action et que des sanctions soient prises contre les entreprises ne respectant par l’égalité.
La grève sera un succès si demain on continue d’en parler…, conclut-elle.