Intrusion à la Salpêtrière : attaque ou repli des manifestants ?

Que s’est–il réellement passé ce 1er mai quand des dizaines de manifestant se sont introduits à la Salpêtrière ?

L'hôpital a-t-il été attaqué ou s’agit-il d’une fuite pour échapper aux gaz lacrymogènes tirés par les forces de l’ordre durant le rassemblement ?

Ici, à la Pitié-Salpêtrière, on a attaqué un hôpital. On a agressé son personnel soignant. Et on a blessé un policier mobilisé pour le protéger… Indéfectible soutien à nos forces de l’ordre : elles sont la fierté de la République, a rapidement tweeté le ministre de l’Intérieur.

Un geste totalement irresponsable, a dénoncé le Premier ministre, Edouard Philippe. Un incident inqualifiable, a condamné la ministre de la Santé, Agnès Buzyn qui s'est rendue sur place. On est passé au bord d'une catastrophe, a déclaré Martin Hirsch, le directeur général de l'AP– Hôpitaux de Paris, a estimé sur franceinfo. Il aurait pu se produire un drame dont je n'ose même pas imaginer les conséquences, a-t-il ajouté.

Une plainte a été déposée. Une enquête a été ouverte par le parquet.

Mais du haut d'une passerelle qui dessert la sortie de secours du service de réanimation de l'hôpital, plusieurs soignants ont filmé les manifestants entrés dans l'enceinte de l'établissement par l'accès de la résidence universitaire du Crous. La vidéo* les montre en panique, fuir soudainement vers eux, alors que des policiers entrent sur le site.

Les manifestants n'avaient effectivement pas le visage masqué ni cagoulé (...) Ils voulaient rentrer, a témoigné un infirmier à l'AFP. Pour le bien des patients, on a juste fermé la porte et on a attendu que les forces de l'ordre interviennent, a–t-il expliqué. Il n'y avait rien de violent… en tout cas envers nous (...). C'était plus la peur de se faire taper, de recevoir quelque chose de la policeAu final tout s'est passé très calmement, a raconté un autre soignant.

Ces 2 versions s'opposent…  Et une partie de la classe politique estime que le gouvernement a dramatisé.

En plus d'être un incompétent, Monsieur Castaner est un menteur ! a balancé Jean-Luc Mélenchon. Prudence… Dans quelques heures, on découvrira que la soi-disant attaque de l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière est une manipulation du système, avait-il également tweeté le leader de la France Insoumise, après la diffusion de la nouvelle.

Le ministre de l'Intérieur doit cesser de mettre de l'huile sur le feu et … s'expliquer sur ses déclarations démenties par les faits, a réclamé, toujours par twitter, Bruno Retailleau, président du groupe LR au Sénat.

A l’instar de Donald Trump, Castaner a tweeté plus vite que son ombre et provoqué polémique et emballement médiatique…

Non, la Salpêtrière n'a pas été attaqué par des black blocs. L’établissement n’a pas été dégradé !  a publié Libération ce 3 mai en titrant La fake news venait de l’IntérieurDes manifestants se sont réfugiés dans l'enceinte de l'hôpital parisien. Des vidéos et témoignages recueillis par CheckNews infirment clairement la thèse avancée par le gouvernement, affirme le quotidien.

Le Gouvernement pris en flagrant délit de #FakeNews, assez de cette propagande ! @CCastaner a manipulé les faits pour discréditer ses opposants : il doit démissionner. Il y a suffisamment de violences à condamner pour ne pas en inventer, a jugé Nicolas Dupont-Aignan.

Accusant Christophe Castaner et le gouvernement de souffler en permanence sur les braises de la violence Yannick Jadot, tête de liste des écologistes aux élections européennes, a demandé une commission d'enquête parlementaire  tandis que la sénatrice Esther Benbassa tweetait : Si @CCastaner s'appelait Pinocchio, on n'ose imaginer quelle longueur aurait son nez…

Tous les GAV et militants déférés doivent être libérés. CCastaner doit démissionner, a réclamé par un tweet, Eric Coquerel, député de la France Insoumise.

Le 2 mai en début de soirée, le parquet de Paris a indiqué que les 32 gardes à vue ordonnées dans le cadre de l'enquête sur cette intrusion avaient été levées.

Si dégradations et/ou vol ont été commis dans l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière à ce stade aucun lien ne peut être fait avec l'intrusion de manifestants lors du défilé du 1er-Mai, a tenu à informer pour sa part la direction de l'AP-HP.

Le Mea Culpa du ministre de l’Intérieur et ses… limites :

Je n’aurais pas dû employer le terme attaque mais plutôt celui d’intrusion violente, a reconnu Christophe Castaner, ce 3 mai devant la presse lors d’un déplacement à Toulon J'entends le reproche qui m'est fait… Je souhaite qu'aucune polémique n'existe sur ce sujet, a assuré le ministre de l’Intérieur. Intrusion violente est le terme utilisé par la directrice, il semble en effet mieux adapté confirmé par les vidéos apparues depuis, a-t-il poursuivi.

Reste qu’entrer de force dans un hôpital par l'entrée principale ou annexe en brisant les chaînes du portail, tenter de s'introduire dans les services interdits au public, ce sont des actes inadmissibles, a-t-il souligné. Les faits sont particulièrement préoccupants et je pense que nous devrions parler de cela plutôt que de savoir s'il fallait utiliser le mot attaque ou intrusion, a-t-il fustigé.

L'ex-ministre Patrick Kanner, président du groupe socialiste au Sénat, a annoncé son intention de demander une audition de Christophe Castaner par la commission des Lois de la chambre haute.

Des députés socialistes ont également entamé une démarche similaire à l'Assemblée nationale. S'il s'avérait que le ministre de l'Intérieur a relayé, sciemment ou pas, de fausses informations ou des informations non vérifiées, la question du maintien de la confiance que lui accordent le président de la République et le Premier ministre se trouverait nécessairement posée, avec les conséquences que cela implique, ont-ils écrits dans un courrier adressé à Yaël Braun-Pivet (LREM) présidente de la commission des Lois de l'Assemblée.

Selon l'opposition, il faudrait changer de ministre de l'Intérieur toutes les semaines, a ironisé Christophe Castaner.

 

 

*La vidéo a été diffusée sur Facebook. Elle contredit la version défendue par le ministre de l'Intérieur.