L'Affaire du Siècle : la France coupable d'inaction climatique ?

Oxfam France, Greenpeace, Notre affaire à tous et la Fondation Nicolas Hulot, à l’origine de la pétition ont déposé devant le tribunal administratif de Paris, un recours en justice contre l'Etat pour non-respect de ses engagements.

2 millions de signatures plus tard, la France se retrouve assignée en justice, ce 14 mars, pour manquements à son obligation d’action contre le réchauffement climatique.

Les 4 ONG estiment que l’État a échoué sur toute la ligne et veulent obliger l’État à en faire plus. Cette requête est très ambitieuse et novatrice d’un point de vue juridique, reconnaît une directrice de recherche au CNRS, fondatrice du réseau Droit et climat, auprès de France 24.

Mais la responsabilité du climat est disséminée et c’est difficile de l’établir devant la justice… Elle n’a encore jamais eu à se prononcer sur l’efficacité des politiques au regard des objectifs de réduction d’émissions de gaz à effet de serre, de développement des énergies renouvelables ou encore de réduction de la consommation d’énergie.

Pour convaincre le tribunal, les associations invoquent la Charte de l’environnement de 2004, qui a valeur constitutionnelle, le droit européen, la Convention européenne des droits de l’Homme, les lois Grenelle de l’environnement et même un principe général du droit : celui de vivre dans un système climatique souhaitable  mais qui n’a encore jamais été reconnu par la jurisprudence.

Le tribunal acceptera-t-il de considérer qu’un de ces textes contraint la France à tenir ses objectifs climatiques ?

C’est juridiquement très intéressant car c’est une manière de tendre autant de perches que possible au juge administratif et d’explorer un grand nombre de pistes, analyse une spécialiste du droit de l’environnement. Cette volonté de mettre l’État face à un important ensemble de textes a aussi une portée symbolique et politique forte, renchérit un confrère. Elle donne à la France une image de mauvais élève qui s’est engagé de multiple fois à bien faire, mais n’a pourtant jamais tenu parole, conclut-il. Cependant, le juge administratif français est plutôt timide en matière de justice climatique, estime-t-il par ailleurs. Les articles 1 et 2 de la Charte de l’environnement, qui fondent le droit environnemental constitutionnel français ont souvent été invoqués devant le tribunal administratif mais il y a très peu de cas où le juge a accepté de se fonder dessus, renchérit sa consœur.

Pour les experts interrogés, la meilleure chance des ONG réside dans la référence au droit européen : La Cour européenne des droits de l’Homme a déjà condamné des États pour manquement à leurs obligations de protection de l’environnement rappelle-t-elle. Cette juridiction estime que les États sont tenus de protéger l’environnement au titre de l’article 1 de la Convention européenne des droits de l’Homme relatif au droit à la vie, et à celui de l’article 8, concernant le respect à la vie privée familiale.

Un contexte favorable…

La procédure engagée risque de durer des années pour finir, après avoir épuisé tous les recours en France, devant la Cour de justice de l’Union européenne, réputée plus audacieuse sur les questions de protection de l’environnement.

A l’heure où les scientifique ne cesse d’alerter sur l’urgence climatique, les Pays-Bas ont été condamnés en 2015 pour n’avoir pas suffisamment réduit leurs émissions de gaz à effet de serre, tandis qu’une procédure est en cours depuis mai 2018 contre l’Union européenne, accusée par 10 familles de carence dans la lutte contre le réchauffement climatique.