Strasbourg : une jeune femme décède après avoir appelé le Samu
- Détails
- Catégorie : Actualité France
- Publié le Vendredi, 11 Mai 2018 10:11
Le 29 décembre 2017, Naomi Musenga est morte peu après avoir appelé le SAMU. Au lieu de l'aider, 2 opératrices des secours du CHU de Strasbourg (67) s’étaient moqués d'elle…
Quelques heures plus tard, la jeune maman de 22 ans décédera des suites d’une défaillance multiviscérale sur choc hémorragique, selon les conclusions de l’autopsie.
Les faits ont été rendu public ce 27 avril avec la diffusion de l'enregistrement de l'appel au SAMU sur le site du journal d'information local Heb'di.
Le 9 mai, le parquet du Bas-Rhin ouvrait une enquête préliminaire pour non-assistance à personne en péril…
Il est 11 h ce vendredi 29 décembre lorsque Naomi Musenga est prise de douleurs intenses abdominales à son domicile de Strasbourg. A bout de forces, elle compose alors le 15 :
Au bout du fil, une opératrice transmet ainsi les premières informations dont elle dispose sur la situation de Naomi : Elle a 22 ans, elle a des douleurs au ventre et de la fièvre, et elle dit qu’elle va mourir, rapporte-t-elle à une collègue. Ah, c'est sûr qu'elle va mourir un jour…, répond l’autre, en ironisant avant de prendre en ligne Naomi. Le souffle court, elle tente péniblement d'expliquer sa situation… L'échange dure 1 minute et 20 secondes. Voici la retranscription :
Opératrice Samu : Oui, allô !
Naomi : - Allô... Aidez-moi, madame...
O S : - Oui, qu'est-ce qui se passe?
N : - Aidez-moi...
O S : - Bon, si vous ne me dites pas ce qu’il se passe, je raccroche…
N : - Madame, j’ai très mal...
O S : - Oui ben, vous appelez un médecin, hein, d'accord ? Voilà, vous appelez SOS Médecins.
N : - Je peux pas.
O S : - Vous pouvez pas ? Ah non, vous pouvez appeler les pompiers, mais vous ne pouvez pas...
N : - Je vais mourir.
O S : - Oui, vous allez mourir, certainement, un jour, comme tout le monde. Vous appelez SOS Médecins, c'est 03 88 75 75 75, d'accord ?
N : - S'il vous plaît, aidez-moi madame...
O S - Je peux pas vous aider, je ne sais pas ce que vous avez.
N : - J'ai très mal, j'ai très très mal.
O S - Et où ?
N : - J'ai très mal au ventre (...) et mal partout.
O S - Oui, ben, vous appelez SOS Médecins au 03 88 75 75 75, voilà, ça je ne peux pas le faire à votre place. 03 88 75 75 75. Qu'un médecin vous voie, ou sinon vous appelez votre médecin traitant, d'accord ?
N : - D'accord.
O S - Au revoir.
En dernier recours, Naomi trouve quand même l’énergie d’appeler SOS Médecins, qui, eux, déclenchent immédiatement l'intervention du Samu de Strasbourg. Lors de son transport à l'hôpital Naomi est consciente mais son état se dégrade. Elle fait 2 arrêts cardiaques. Transférée en réanimation, elle meurt à 17h30, soit 6 h 30 après son premier appel au secours.
Après l'écoute de l'enregistrement, j'étais effondrée, abasourdie, choquée, confie à France Bleu Madame Musenga, la maman de Naomi qui est aide soignante…
Afin de connaître les causes réelles du décès et savoir si une prise en charge adaptée aurait pu éviter le drame, la famille de la jeune femme a saisi le procureur de la République de Strasbourg.
Quelqu'un qui appelle le Samu, c'est pour être sauvé !, est contrainte de rappeler, légitimement, Louange Musenga, sœur de Naomi, sur France 2.
Ça n'est pas pardonnable, cette manière de répondre !, de ne pas entendre la détresse…, estime Patrick Pelloux, interrogée sur francetvinfo. Cet incident doit nous faire réfléchir pour réformer le Samu, pour que cela ne se reproduise pas, a insisté le médecin urgentiste.
Dans un communiqué, les hôpitaux universitaires de Strasbourg, qui hébergent les services du Samu, annoncent avoir diligenté une enquête administrative destinée à faire toute la lumière sur les faits relatés par Heb’Di. Les résultats devraient être connus d'ici 3 semaines.
En attendant, l'attitude des 2 opératrices du Samu, qui n'ont pas su saisir l'urgence de la situation, reste incompréhensible… Est-ce que le Samu est toujours à sa place ou c'est SOS Médecins qui devient le Samu ?, interpelle justement Mme Musenga.
Selon François Braun, président de Samu-Urgences de France, elles n'avait pas à prendre seules la décision de rediriger Naomi vers SOS Médecins : Ce n'est pas du tout ce que l'on apprend à nos opératrices… Normalement tout appel est transmis à un médecin régulateur. Après un interrogatoire médical, c'est lui qui tranche mais dans ce cas, cela n'a pas été fait !. Ce n'est absolument pas la procédure martèle-t-il Et on ne demande pas aux gens de rappeler quelqu’un d’autre, on le fait nous-mêmes !, ajoute-t-il, enfin.
Inutile de vous dire que je ne considère pas que ce soit un modèle de prise en charge, s’insurge Frédéric Lapostolle, professeur de médecine d'urgence, sur RMC. Ça manque d'empathie et d'intérêt porté au patient, juge–t-il.
Sur Twitter, des soutiens de la famille réclament des sanctions. D'autres internautes, scandalisés, accusent l'hôpital de racisme…
L'opératrice a été suspendue à titre conservatoire, a répondu la direction à francetvinfo. Christophe Gautier, le DG, explique que les éléments qu'il a pu recueillir lui semblent de nature à constituer un manquement à la procédure…
En tant que président de l'Amuf (Association des médecins urgentistes de France), Patrick Pelloux, réclame notamment plus de moyens pour les services de régulation : On ne peut pas dire que c'est normal d'avoir le même nombre de personnes qui répond au téléphone au Samu quand on avait 10 millions d'appels et quand on en a aujourd'hui 30 millions, argumente-t-il. Ce n'est pas possible. Il faut moderniser le système avec pour objectif que chaque appel soit pris en charge, insiste-t-il
Une réunion à ce sujet se tiendra dans les jours qui viennent au ministère, a confirmé Agnès Buzin, ministre de la Santé, après avoir présenté ses condoléances. Je suis profondément indignée par les circonstances du décès de Naomi Musenga et je tiens à assurer sa famille de mon entier soutien, a-t-elle écrit sur Twitter.