Chili : des casseroles contre l’héritage de Pinochet…

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Depuis ce 18 octobre, les manifestants chiliens dénoncent avec des concerts de casseroles quotidiens la libéralisation quasi complète de l'économie, notamment un système de retraite très injuste. Le déclencheur a été la hausse des tarifs du ticket de métro dans la capitale.

Pour tenter de mettre fin à cette agitation, le président, Sebastian Piñera* a annulé l’augmentation. Si le gouvernement est revenu en arrière, la mobilisation a continué… avec des exigences qui vont bien au delà. Il s'agit de l'expression d'un profond mal-être et l’aspiration à un changement radical de la politique économique. Certains rassemblements pacifiques ont dégénéré en actes de pillages et de vandalisme et 11 personnes sont mortes…

Le gouvernement a décrété l'état d'urgence et imposé un couvre-feu, en affirmant que le Chili était en guerre.

Ces mots ont évidemment choqué les victimes de la dictature, le régime militaire d'Augusto Pinochet (1973-1990) qui justifiait la violente répression par l'existence d'un ennemi interne

En son temps, le dictateur Pinochet avait déjà privatisé de larges pans de la santé, de l'éducation et des retraites… D’ailleurs, c'est José Piñera, l'un des frères de l'actuel président, ministre du Travail et des Retraites de 1978 à 1980, qui étendit l’AFP, devenu obligatoire pour tous les travailleurs.

Et les différentes équipes de centre gauche au pouvoir depuis le retour de la démocratie après 30 ans de dictature n’ont jamais  radicalement changé le système économique et social hérité de la dictature.

Dans les années 1990, alors que le pays brillait par son dynamisme et ses performances économiques, ces différents gouvernements n'ont adopté que quelques mesures destinées aux plus précaires. Et les inégalités ont continuées de s’amplifier…

Un pays très inégalitaire**

Si le Chili est fier de présenter de bons indicateurs macro-économiques et des finances équilibrées, le Chili est l'un des pays les plus inégalitaires de la zone OCDE. Le niveau des salaires est resté très faible. Le développement des crédits à la consommation a permis de soutenir la demande interne mais désormais plus de 25 % de Chiliens croulent sous les dettes et ne peuvent pas rembourser…

Au Chili, il faut s'endetter pour étudier, pour se soigner et pour vivre au quotidien, fustige-t-il en rappelant que le mouvement No mas AFP avait déjà protesté en 2016 au moyen d'importantes manifestations.

Encore aujourd’hui la contestation vise les AFP (Administrateurs de fonds de pensions), des institutions financières privées chargées de gérer les fonds de retraite. A l’origine, ce système par capitalisation individuelle inspiré il y a 40 ans par les Chicago Boys** était très novateur. Mais beaucoup de gens se retrouvent avec des retraites de misère et sont forcément très en colère !

L’ampleur du mouvement de contestation est inédite, excepté en 2011 où les pingouins avaient envahi les rues… Les étudiants protestaient entre autres contre le coût prohibitif des études supérieures et pour la réforme du système éducatif. Ils portaient des uniformes noirs et blancs comme les nombreux pingouins de la côte Pacifique.

Le président affirme aujourd’hui vouloir la résolution rapide de cette crise sociale explosive, le dialogue s'annonce très difficile… Depuis que les syndicats ont quasiment leur représentativité durant le régime de Pinochet, les acteurs habilités à négocier sont rares. Et les manifestants n'ont cessé de clamer leur méfiance envers les différents partis, responsables selon eux de la situation présente…


*Sebastian Piñera, président et richissime homme d'affaires. Il a obtenu un 1er mandat en 2010-2014 et été réélu pour 4 ans en 2018

** groupe d'économistes libéraux